Pétrole bon marché : une nouvelle réalité pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord
le 25 avril 2016
- L’intensité des conflits et le faible niveau des cours du pétrole continuent de peser sur les perspectives économiques de la région.
- Les exportateurs de brut devraient se centrer sur les réformes budgétaires et la diversification de l’économie.
- Les importateurs devraient connaître une croissance supérieure mais le chômage reste élevé.
La croissance de la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (MOANAP) reste timide en raison de la persistance des faibles cours du pétrole et de l’aggravation des conflits régionaux, selon le dernier bilan régional dressé par le FMI.
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES
Selon la Mise à jour des Perspectives économiques régionales du Moyen-Orient et de l’Asie centrale, publiée le 25 avril, la croissance devrait se situer cette année aux alentours de 3 %. Bien qu’elle dépasse légèrement le niveau de 2015 (voir tableau), le modeste rebond tient pour beaucoup à l’augmentation de la production pétrolière en Iraq et, après la levée des sanctions, en Iran.
Dans la plupart des autres pays exportateurs de pétrole, la croissance devrait toutefois poursuivre son ralentissement cette année en raison de la compression des dépenses publiques face au repli des cours. Le rapport publié par le FMI revoit à la baisse les projections de croissance de presque tous les pays exportateurs de pétrole de la région MOANAP pour 2016, par rapport aux projections d’octobre dernier.
Dans les pays importateurs de pétrole de la région, la reprise économique reste fragile et inégale. La croissance devrait être ramenée à 3,5 % en 2016 en raison des retombées du ralentissement de l’activité dans les pays voisins exportateurs de pétrole et de l’aggravation des conflits régionaux.
«Il est donc essentiel que tous les pays redoublent d’efforts pour définir et mettre en œuvre des réformes propres à élargir les perspectives économiques, à créer des emplois et à rendre la croissance plus inclusive, avant qu’il ne soit trop tard», a déclaré, M. Masood Ahmed, Directeur du Département Moyen-Orient et Asie centrale, à l’occasion du lancement du rapport à Dubaï.
Le coût des conflits
Les conflits, notamment en Iraq, en Libye, en Syrie et au Yémen, continuent de s’intensifier, déplaçant des populations entières et provoquant de graves dégâts économiques. Depuis octobre 2015, plus de 600.000 personnes ont fui la Syrie, portant le nombre total de réfugiés syriens à près de cinq millions. Le rapport du FMI signale que les conflits pèsent de plus en plus lourdement sur le budget des États et sur les infrastructures, attisent l’inflation et consomment des ressources qui devraient contribuer à financer des dépenses sociales fort nécessaires. Ces conflits ont en outre des retombées sur les pays voisins, qui accueillent un grand nombre de réfugiés et doivent faire face à la perturbation des échanges et du tourisme, à la détérioration de la situation sécuritaire et à la crise de confiance des investisseurs.
M. Ahmed a souligné que la communauté internationale doit renforcer et mieux coordonner son appui pour aider les réfugiés et stabiliser les pays touchés. «Les besoins de financement sont considérables et les pays d’accueil ont besoin de concours supplémentaires à des conditions abordables pour financer des projets de crise», a-t-il précisé.
Manque à gagner pour les exportateurs de pétrole
Les perspectives de la région sont tributaires d’un deuxième facteur : le repli persistant des cours du brut. Les pays exportateurs ont enregistré de considérables excédents budgétaires et extérieurs et une rapide croissance économique lorsque les cours étaient élevés durant ces dernières années. Cependant, depuis le milieu de 2014, en raison de la baisse continue des prix du pétrole, les excédents ont cédé le pas aux déficits, ralentissant ainsi la croissance et aggravant le problème du chômage.
«La chute des cours du pétrole a provoqué d’énormes pertes de recettes d’exportation : pas moins de 390 milliards de dollars l’an dernier, auxquels pourraient s’ajouter 140 milliards cette année», a déclaré M. Ahmed aux médias. Beaucoup de pays ont pris des mesures résolues pour assainir leur situation budgétaire, en insistant surtout sur la compression des dépenses en capital mais en opérant aussi de profondes réformes des prix des produits énergétiques. Cependant, pour l’Algérie et les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), les déficits budgétaires devraient tout de même atteindre une moyenne de 12¾ % du PIB en 2016, et se maintenir à 7 % à moyen terme. Le déficit des autres pays exportateurs de pétrole de la région — ceux qui en règle générale sont moins tributaires des recettes pétrolières — devrait se situer à 7¾ % du PIB en 2016 (voir graphique 1).
En dépit des efforts concertés pour maîtriser les déficits, «d’autres mesures énergiques de réduction des déficits seront nécessaires sur plusieurs années pour assurer la viabilité des finances publiques et veiller à une répartition équitable de la richesse pétrolière avec les générations futures», a précisé M. Ahmed. Beaucoup de pays peuvent réduire davantage les dépenses publiques, étendre le champ des réformes des prix énergétiques en cours et mobiliser de nouvelles recettes en mettant en place des systèmes fiscaux à large assiette, y compris des taxes sur la valeur ajoutée. Les pays du CCG envisagent d’ores et déjà d’adopter ce type de fiscalité durant les années à venir.
Le rapport signale que les pays doivent réduire leur dépendance à l’égard du pétrole et accélérer les réformes pour gérer la nouvelle réalité du pétrole bon marché. Il encourage les dirigeants à mener des réformes destinées à promouvoir la diversification de l’économie et la croissance du secteur non pétrolier, notamment en réduisant l’écart entre les salaires des secteurs public et privé et en alignant davantage l’éducation et les aptitudes sur les besoins du marché.
«Il est une autre priorité tout aussi importante qui consiste à faire en sorte que le secteur privé puisse créer suffisamment d’emplois pour une population jeune grandissante, ce pour quoi il faudra opérer de profondes réformes structurelles afin d’améliorer les perspectives de croissance à moyen terme», a ajouté M. Ahmed.
Croissance inégale et fragile dans les pays importateurs de pétrole
La croissance des pays importateurs de pétrole de la région a enregistré un rebond, de 3 % en 2011-14, à 3¾ % en 2015. Selon le rapport, elle devrait se maintenir aux alentours de ce niveau en 2016-17. La baisse des cours du brut et une embellie du climat de confiance, grâce aux progrès issus des récentes réformes, ont contribué à cette reprise. Cependant, les perturbations sécuritaires, les retombées des conflits régionaux et, dernièrement, la diminution des envois de fonds, des échanges et de l’aide financière imputable au ralentissement de l’activité dans les pays du CCG, limitent les perspectives.
Les réformes des subventions énergétiques et le repli des cours du pétrole ont contribué à réduire les déficits publics à environ 6½ % du PIB en 2016, contre un pic de 9½ % en 2013. Le rapport recommande d’adopter d’autres mesures de rééquilibrage budgétaire — sans porter préjudice à la croissance — afin d’orienter la dette publique sur une trajectoire viable et de préserver la stabilité macroéconomique (voir graphique 2). Dans certains pays, une plus grande flexibilité du taux de change contribuerait au rééquilibrage budgétaire, en aidant à absorber l’impact des chocs exogènes, et à l’amélioration de la situation extérieure, en renforçant la compétitivité.
Malgré cette légère reprise économique, «les perspectives de croissance à moyen terme des pays importateurs de pétrole ne suffisent toujours pas à gérer le problème persistant de chômage élevé», a conclu M. Ahmed. Le taux de sans-emploi reste très élevé à 10 %, et il atteint le chiffre effarant de 25 % chez les jeunes.
Dans le rapport, le FMI encourage ces pays à accélérer les réformes structurelles propres à renforcer la qualité de l’éducation, à améliorer le fonctionnement du marché du travail et du marché financier et à ouvrir davantage les échanges pour contribuer à doper la croissance économique et à créer des emplois.