Bulletin du FMI : Le FMI lance le débat sur le changement économique au Moyen-Orient
le 17 avril 2014
- Les pays du Moyen-Orient doivent faire face à une faible croissance et au chômage
- Des réformes ambitieuses sont nécessaires pour obtenir une croissance durable et riche en emplois
- Le FMI organise des événements de haut niveau à Amman et au Koweït pour réfléchir sur les réformes
Les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MOAN) ont besoin de mesures résolues pour hisser la croissance, créer des emplois, promouvoir l’équité et diversifier leurs économies, estime le FMI.
RÉUNIONS DE PRINTEMPS
Le prêteur mondial organise des débats sur les réformes nécessaires entre experts, décideurs et autres parties intéressées.
Les problèmes économiques auxquels est confrontée la région MOAN figuraient en bonne place à l’ordre du jour des réunions de printemps 2014 du FMI et de la Banque mondiale qui se sont tenues à Washington D.C. la semaine dernière. Ces réunions ont rassemblé des ministres et des hauts fonctionnaires ainsi que des journalistes, des universitaires, des rédacteurs de blogs et des représentants de la société civile et du secteur privé venus du monde entier pour débattre des problèmes critiques auxquels est confrontée l’économie mondiale.
En dehors des réunions officielles tenues avec les délégations nationales, plusieurs séminaires et présentations ont été consacrés à la région. Dans le cadre d’une réunion semestrielle, Christine Lagarde, Directrice générale du FMI, a rencontré les Ministres des finances et les Gouverneurs des banques centrales de la région pour s’entretenir des problèmes économiques pressants, écouter leurs points de vue et examiner les solutions possibles pour aller de l’avant.
Les représentants du FMI ont souligné que l’institution qui compte 188 membres est prête à s’engager et qu’elle est résolue à aider les pays de la région, y compris les pays arabes en transition —Égypte, Jordanie, Libye, Maroc, Tunisie et Yémen.
« Le FMI s’est engagé aux côtés de tous les pays qui ont souhaité coopérer avec lui » a déclaré Mme Lagarde. Elle a cité les programmes auxquels le FMI apporte son soutien en Jordanie, au Maroc et en Tunisie, l’assistance technique fournie à l’Égypte et à la Libye, les discussions engagées sur un programme avec le Yémen et la prochaine conférence régionale prévue à Amman. « Nous espérons vraiment pouvoir maintenir ces partenariats et relations mutuelles, ceux qui existent déjà comme ceux à venir », a-t-elle ajouté.
Perspectives d’évolution et domaines d’action prioritaires
La situation économique reste difficile pour les pays importateurs de pétrole de la région, surtout ceux qui se sont engagés dans un processus de transition politique il y a plus de trois ans.
« Ces pays vont connaître une autre année d’activité économique molle, avec une croissance attendue de 3 % environ », a déclaré Masood Ahmed, Directeur du Département Moyen-Orient du FMI, à des journalistes à Washington, la semaine dernière, au cours d’une présentation sur l’évolution économique de la région. « Si la croissance économique demeure frileuse, c’est essentiellement parce que le niveau de confiance reste faible, surtout dans les pays engagés dans les processus de transition politique, en dehors des retombées des conflits régionaux, surtout celui qui ravage la Syrie » a-t-il ajouté.
En dépit de signes faiblement positifs — exportations et investissements en hausse — la reprise reste fragile.
« Le chômage se maintient aux alentours de 13 % dans les pays arabes en transition. Son taux est presque deux fois plus élevé pour les jeunes » a précisé M. Ahmed aux journalistes. Il a indiqué que pour s’attaquer à ce problème il fallait, en priorité :
• Renforcer les investissements publics créateurs d’emplois par des apports de ressources extérieures assortis de conditions libérales — dons et prêts à faibles taux d’intérêt, par exemple — mais sans la charge à long terme de sureffectifs dans le secteur public.
• Mener des réformes économiques qui stimulent l’investissement privé, augmentent la productivité, améliorent le climat des affaires, réduisent la corruption et les formalités administratives et contribuent ainsi à créer des emplois permanents, bien rémunérés.
Dans le cas des pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient, M. Ahmed table sur un renforcement de la croissance globale qui devrait atteindre 3½ % cette année contre 2 % en 2013 — sous l’effet d’un accroissement de la production pétrolière dans certains pays et de la poursuite de l’activité du secteur privé dans d’autres.
« Les gouvernements des pays exportateurs de pétrole de la région devront maîtriser les dépenses difficilement réversibles consacrées aux salaires et aux subventions et privilégier en même temps des programmes d’investissement productif et des programmes sociaux de qualité », a déclaré M. Ahmed. Il a ajouté que des réformes structurelles favorisant la diversification économique et la création d’emplois dans le secteur privé pour les ressortissants de ces pays sont aussi une priorité.
Étude du FMI sur le changement économique sur fond de transition politique
Pour soutenir les efforts des gouvernements, le FMI a publié la semaine dernière un nouveau document intitulé « Vers de nouveaux horizons — La transformation économique sur fond de transition politique dans le monde arabe. » Cette étude fait ressortir l’urgence de lancer des réformes de politique économique qui aillent au-delà de la gestion macroéconomique à court terme pour promouvoir la stabilité économique et une croissance économique plus vigoureuse et créatrice d’emplois dans les pays arabes en transition.
Elle considère les principaux domaines de réformes structurelles qui sont susceptibles de générer une croissance plus rapide et plus largement partagée. Elle suggère notamment d’adopter des politiques budgétaires et monétaires qui soutiennent la stabilité et la croissance, d’approfondir l’intégration commerciale, d’élargir l’accès aux financements, d’améliorer le climat des affaires pour appuyer l’entrepreneuriat et s’attaquer à la corruption et d’introduire sur le marché du travail et dans le système éducatif des réformes permettant de réduire les discordances entre les compétences acquises dans les écoles et les universités et celles dont le secteur privé a besoin.
L’étude du FMI examine aussi comment le système actuel de subventions aux prix non ciblées — qui se sont révélées inefficaces et inéquitables puisqu’elles bénéficient davantage aux riches qu’aux pauvres — peut progressivement céder la place à des dispositifs de protection sociale mieux ciblés sur les populations vulnérables.
Les auteurs de l’étude estiment que les pays doivent garder la maîtrise de leur politique et planifier leurs programmes d’action après de vastes consultations nationales pour assurer un large soutien aux réformes. Ils ajoutent que la communauté internationale doit toutefois soutenir les efforts de ces pays en leur offrant des moyens de financement, des débouchés commerciaux, une assistance technique ou une aide à la formulation des politiques.
Séminaire sur les réformes et l’obtention d’un consensus
Pour encourager le débat sur le programme d’action énoncé dans l’étude, le FMI a organisé, en marge des réunions de printemps, un colloque de haut niveau réunissant des décideurs de la région et des experts venus d’autres parties du monde.
Les participants au colloque ont approuvé les principaux domaines d’action suggérés plus haut pour les réformes en soulignant que les pays doivent veiller à ce que celles-ci bénéficient largement aux populations concernées. Une amélioration de la croissance économique doit aller de pair avec un accroissement équivalent des possibilités et une réduction de la pauvreté.
Ils ont également mentionné tout l’intérêt qu’il y a à tirer les enseignements de l’expérience des autres pays.
« Nous n’allons pas réinventer la roue — des pays ont diagnostiqué leurs problèmes économiques et ils savent comment les résoudre et les mesures qu’il faut prendre » a déclaré Hany Dimian, Ministre des finances de l’Égypte. « La façon la plus sure de réaliser les réformes économiques est de mettre en œuvre celles qui ont été essayées ailleurs » a-t-il ajouté.
Eric Berglöf, Économiste en chef à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, a fait observer que les pays d’Europe de l’Est qui ont su exploiter les fenêtres d’opportunité en mettant en œuvre leurs réformes économiques au début de la transition ont grandement facilité les processus politiques.
Mais comment obtenir un consensus sur les réformes ? Les points de vue des participants ont divergé sur la définition du consensus et les façons de l’obtenir.
« Les réformes qui s’intègrent dans un projet peuvent avancer assez vite, mais celles que l’on distingue des choix qui s’offrent aux pouvoirs publics sont beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre », a déclaré Homi Kharas, Directeur de recherche et Directeur adjoint de la Development Assistance and Governance Initiative.
D’autres participants ont reconnu qu’il s’agissait d’un problème bien réel en soulignant qu’il faut s’efforcer davantage de communiquer avec les acteurs influents de la société civile.
« Il est très important de parler aux parties intéressées comme le secteur privé, les syndicats et tous les perdants des réformes », a déclaré Nizar Baraka, Président du Conseil économique, social et environnemental du Maroc, en ajoutant qu’aux termes de la nouvelle constitution marocaine, la société civile peut proposer des lois au Parlement.
Prochaines conférences dans la région
L’étude du FMI constituera une contribution importante à la prochaine conférence régionale organisée par le FMI, en collaboration avec le gouvernement de la Jordanie et le Fonds arabe pour le développement économique et social à Amman, Jordanie, les 11 et 12 mai sous l’intitulé « Construire l’avenir : emploi, croissance et équité dans le monde arabe ».
Le FMI doit aussi organiser une conférence avec le gouvernement du Koweït, dans ce pays riche en pétrole, le 30 avril et le 1er mai. Cette conférence de haut niveau sur « Le développement économique, la diversification et le rôle de l’État » examinera l’expérience de la diversification économique dans l’ensemble des pays exportateurs de pétrole, qui est une question cruciale pour tous les pays du Conseil de coopération du Golfe.