Canada : Déclaration de la mission à l’issue des consultations de 2013 au titre de l’article IV
le 26 novembre 2013
La déclaration de fin de mission résume les constats préliminaires effectués par les représentants du FMI à l'issue de certaines missions (visites officielles, dans la plupart des cas dans les pays membres). Ces missions s'inscrivent dans le cadre des consultations périodiques (en général annuelles) au titre de l'Article IV des Statuts du FMI, ou sont organisées lorsqu'un pays demande à utiliser les ressources du FMI (à lui emprunter des fonds), ou encore dans le contexte des discussions sur les programmes suivis par le services du FMI, ou d'autres exercices de suivi de la situation économique.
Cette déclaration présente l’évaluation préliminaire de la mission de consultation au Canada pour 2013 au titre de l’article IV. La croissance est restée modérée en 2013, l’objectif d’une croissance tirée par les exportations plutôt que par la demande intérieure continuant de se dérober. L’incertitude entourant la conjoncture mondiale a pesé sur les exportations et l’investissement des entreprises, mais les problèmes de compétitivité et les goulets d’étranglement au niveau des infrastructures dans le secteur énergétique ont joué un rôle aussi. L’affermissement de la demande extérieure devrait porter la croissance au-dessus de son taux potentiel à partir de 2014, mais il existe des risques de dégradation. Si la croissance de l’investissement résidentiel et des prix des logements a continué de ralentir en 2013, le niveau élevé de l’endettement des ménages et des prix sur plusieurs marchés du logement restent une vulnérabilité potentielle. Les pouvoirs publics devraient continuer à soutenir la croissance jusqu’à ce que les exportations et l’investissement des entreprises deviennent plus fermement les moteurs de cette dernière, tout en veillant à ce que la correction progressive des déséquilibres intérieurs se poursuive et à ce que la position budgétaire demeure sur une trajectoire viable.
1. La croissance de l’économie canadienne a été modérée au cours de l’année écoulée, car la croissance des exportations et de l’investissement des entreprises a été inférieure aux prévisions. La croissance a atteint en moyenne 1,4 % sur l’année qui a pris fin au deuxième trimestre de 2013, contre 2,6 % l’année précédente. La croissance de la consommation privée est restée robuste, grâce à une augmentation du patrimoine des ménages et à la persistance de conditions financières favorables, mais l’investissement des entreprises et les exportations n’ont pas contribué à la croissance. L’investissement dans les machines et l’outillage a diminué au premier semestre de 2013 et les exportations hors énergie sont restées bien en deçà des niveaux atteints après une récession par le passé, en raison de la faiblesse de la demande extérieure et de la vigueur persistante du dollar canadien. Des perturbations temporaires dans plusieurs installations pétrolières et des lacunes au niveau des oléoducs ont pesé sur la croissance des exportations énergétiques. L’augmentation des capacités inemployées a contribué à atténuer les tensions inflationnistes et la Banque du Canada a maintenu le taux directeur à 1 %, soit le même niveau depuis septembre 2010. Le déficit budgétaire de l’État fédéral a diminué plus vite que prévu en 2012-13, mais l’impact sur la croissance a été compensé en partie par une rigueur moindre aux autres niveaux des administrations publiques, plusieurs provinces retardant le retour à un budget équilibré. Grâce aux mesures macroprudentielles adoptées par le passé, l’activité dans le bâtiment et la croissance des prix des logements ont convergé vers une tendance plus fiable. La croissance du crédit aux ménages a continué aussi à ralentir, mais le ratio dette/revenu des ménages a atteint un nouveau record au milieu de 2013.
2. Les services du FMI s’attendent à ce que la croissance s’accélère pour atteindre 2 ¼ % en 2014, contre une estimation de 1,6 % cette année. L’accélération de la reprise américaine que nous prévoyons (avec une croissance supérieure à 3 % au second semestre de 2014, en taux annualisé désaisonnalisé d’un trimestre à l’autre) devrait relancer les exportations canadiennes. Du fait de l’augmentation de la demande finale et de l’utilisation des capacités, l’investissement des entreprises devrait augmenter, en particulier dans les machines et l’outillage. L’investissement dans le secteur énergétique devrait progresser aussi : la plus grande utilisation du transport ferroviaire et le surcroît d’oléoducs et de capacités de raffinage devraient réduire la volatilité du cours du pétrole lourd canadien. La contribution supplémentaire combinée des exportations nettes et de l’investissement des entreprises à la croissance fera plus que compenser l’affaiblissement attendu de la contribution de la consommation des ménages et de l’investissement résidentiel, tandis que les ménages réduisent progressivement leur endettement, que l’activité dans le bâtiment tombe à un niveau correspondant à l’évolution démographique et que la croissance des prix des logements continue de ralentir. La politique budgétaire restera un vent contraire modeste, amputant la croissance du PIB d’environ 0,2 point de pourcentage par an au cours des trois prochaines années. L’absorption graduelle des capacités inemployées existantes devrait ramener l’inflation à 2 % d’ici fin 2015, et le taux d’intérêt directeur devrait augmenter à compter du début de 2015.
3. Ce scénario de référence risque d’être révisé à la baisse plutôt qu’à la hausse. Des risques considérables entourent l’accélération prévue de la reprise américaine l’an prochain ; or il s’agit du principal moteur de la croissance canadienne dans notre scénario de référence. Une nouvelle impasse politique concernant les dépenses et le plafonnement de la dette, ainsi qu’une hausse plus rapide que prévu des taux à long terme dans le contexte de l’abandon de l’assouplissement quantitatif pourraient peser sur la reprise américaine et donc sur la demande d’exportations canadiennes. Une faiblesse prolongée de la reprise dans la zone euro et une croissance inférieure aux prévisions dans les pays émergents nuiraient aussi aux perspectives des exportations canadiennes, notamment par le biais d’une baisse des cours des produits de base. Le niveau élevé des prix des logements et de l’endettement des ménages pourrait amplifier l’impact de ces chocs extérieurs sur la croissance, et peut-être conduire à une correction moins favorable des déséquilibres intérieurs et à un nouvel affaiblissement des dépenses des ménages. Par ailleurs, une évolution meilleure que prévu du secteur du logement canadien pourrait rehausser les perspectives de croissance, mais accroîtrait aussi le risque d’une correction plus brutale des déséquilibres intérieurs à terme. Sur le front intérieur, la longue période de faible croissance de la productivité et de vigueur du dollar canadien a peut-être entamé davantage le potentiel d’exportation du Canada (surtout dans l’industrie manufacturière traditionnelle), ce qui limite la capacité de l’économie à profiter de l’affermissement attendu de la demande extérieure.
4. Le secteur de l’énergie pourrait être source de révision des perspectives à la hausse ou à la baisse. Notre scénario de référence prévoit une croissance continue des exportations de pétrole brut à moyen terme, en supposant que les contraintes de capacités seront réduites grâce à la construction de nouveaux oléoducs et que la demande américaine restera vigoureuse (le Canada gagnant des parts de marché sur le marché pétrolier américain). Une croissance plus rapide de la production américaine d’énergie non conventionnelle et/ou des retards dans l’expansion des capacités de transport limiterait la demande d’énergie canadienne, ferait baisser les prix de l’énergie canadienne et pèserait sur les exportations et l’investissement. Par contre, une résolution plus rapide des problèmes d’infrastructure permettrait d’accroître l’accès des producteurs d’énergie canadiens aux marchés internationaux (hors États-Unis) et aux provinces de l’est du pays, d’augmenter la production et de relever le prix de l’énergie canadienne. Si un régime sans restriction est maintenu pour l’investissement direct étranger dans le secteur énergétique national et si l’on s’attaque aux pénuries éventuelles de qualifications dans les provinces riches en ressources, le secteur de l’énergie pourrait aussi contribuer davantage que prévu à la croissance.
5. La politique monétaire devrait rester accommodante jusqu’à ce qu’il soit plus clairement établi que les exportations et l’investissement remplacent durablement les dépenses des ménages comme moteurs de la croissance. Étant donné l’écart de production plus élevé, le faible taux d’inflation, les anticipations inflationnistes bien ancrées et les risques de révision à la baisse de l’accélération de la croissance l’an prochain, les services du FMI sont d’avis que les dirigeants peuvent se permettre d’attendre avant de commencer à porter les taux directeurs à des niveaux plus normaux. Le ralentissement de l’activité dans le bâtiment, de la hausse des prix des logements et du crédit aux ménages, ainsi que l’augmentation attendue des taux à long terme du fait de l’abandon progressif de l’assouplissement quantitatif par la Réserve fédérale, donnent aussi à la Banque du Canada plus de temps avant de relever ses taux directeurs. Des mesures macroprudentielles supplémentaires restent la première ligne de défense contre une nouvelle accélération des déséquilibres dans le secteur du logement, même si les autorités devraient probablement envisager d’avancer le cycle de durcissement si cette accélération se produisait sur fond de croissance plus vigoureuse. Par ailleurs, le niveau élevé de l’endettement des ménages et des prix des logements limiteraient les possibilités d’un assouplissement conventionnel de la politique monétaire si la croissance était inférieure aux prévisions.
6. Les plans d’ajustement budgétaire devraient trouver un juste milieu entre le soutien à la croissance et la reconstitution de l’espace budgétaire. Au niveau fédéral, il est opportun de continuer d’assainir les finances publiques pour reconstituer la marge de manœuvre utilisée pendant la crise, mais il est possible de retarder l’ajustement nécessaire pour rééquilibrer le budget en 2015 s’il n’y a pas d’accélération notable de la croissance économique. Au niveau provincial, les plans d’assainissement se heurtent à des obstacles croissants sur fond de croissance économique décevante, et certaines provinces pourraient devoir envisager de prendre des mesures supplémentaires, surtout du côté des recettes, pour rééquilibrer leur budget.
7. Il reste important de s’attaquer aux problèmes budgétaires à long terme. Le Canada affiche un ratio de la dette publique nette relativement faible par rapport à la plupart des autres pays avancés. Néanmoins, le pays n’est pas à l’abri de pressions sur les dépenses à long terme, principalement à cause du vieillissement de la population et de la croissance continue des coûts des soins de santé par habitant. Si des mesures importantes ont été prises récemment au niveau provincial pour limiter la croissance des dépenses de santé, il est important de veiller à ce que la modération récente soit maintenue à l’avenir et à ce que les économies soient réalisées grâce à des gains d’efficience en plus des restrictions budgétaires. Il serait utile d’établir des services du budget indépendants au niveau provincial (tels que le service de la responsabilité financière dans la province d’Ontario) et de les charger de publier une analyse de viabilité des finances publiques à long terme pour mieux sensibiliser le public aux enjeux et dégager un consensus quant aux mesures nécessaires. La mission a noté avec satisfaction que l’État fédéral a annoncé récemment son intention d’instituer une règle exigeant d’équilibrer le budget en période économique normale, car cela permettrait de pérenniser les progrès accomplis récemment dans la réduction du déficit, mais il serait important de concevoir cette règle de manière à ce qu’elle n’impose pas un biais procyclique à la politique budgétaire. Les organes de l’État fédéral et en particulier les organes des provinces riches en énergie devraient aussi envisager de modifier leur cadre budgétaire pour mieux gérer la volatilité liée au cours des produits de base et épargner les recettes exceptionnelles. À cet égard, le cadre budgétaire adopté récemment par la province d’Alberta constitue un pas dans la bonne direction.
8. À long terme, il convient de réexaminer la nécessité d’une vaste assurance hypothécaire garantie par l’État. Le système actuel présente des avantages, notamment comme outil macroprudentiel. Cependant, il expose le budget aux risques du système financier et pourrait fausser l’allocation des ressources en faveur des hypothèques et au détriment d’usages plus productifs du capital. Dans ces conditions, les mesures prises récemment par le gouvernement pour limiter l’assurance hypothécaire garantie par l’État sont appropriées. À terme, des mesures supplémentaires devraient être envisagées pour encourager une rétention appropriée de la part du secteur privé et accroître la part de marché des assureurs privés. Il est important de noter que tout changement structurel doit se faire progressivement afin d’éviter toute conséquence non voulue sur la stabilité financière.
9. Le secteur canadien est sain, mais il est essentiel de rester vigilant face aux risques que la période prolongée de taux d’intérêt faibles pourrait représenter. Le système bancaire canadien se caractérise par une capitalisation élevée, une rentabilité solide et des actifs de qualité. Les tests de résistance qui ont été effectués dans le cadre de la récente mission du programme d’évaluation de la stabilité financière du FMI font état de la résilience des grandes banques et compagnies d’assurances canadiennes face aux risques de crédit, de liquidité et de contagion d’un scénario de fortes tensions. Les caisses de retraite et les compagnies d’assurance-vie semblent avoir bien résisté à une période prolongée de taux d’intérêt faibles, bien que leur recours accru à des stratégies d’investissement non traditionnelles doit continuer de faire l’objet d’une surveillance étroite de la part des autorités de réglementation. L’expansion continue de banques et de compagnies d’assurance-vie canadiennes à l’étranger contribue à la diversification, mais elle doit aussi être surveillée de plus près.
10. Les services du FMI notent avec satisfaction les progrès accomplis au cours de l’année écoulée par les autorités en ce qui concerne le programme international de réforme financière. Les normes de fonds propres de Bâle III ont été mises en vigueur cette année et les autorités ont l’intention d’appliquer les normes de liquidités de Bâle III l’an prochain. Les six plus grandes institutions financières fédérales ont été jugées importantes pour le système par le Bureau du surintendant des institutions financières et une institution provinciale a été jugée importante pour le système par l’Autorité des marchés financiers : elles devront donc répondre à des exigences de fonds propres plus strictes, en plus d’exigences accrues sur le plan de l’information, du contrôle, ainsi que de la planification de la reprise des activités et de la résolution. Des progrès considérables ont été accomplis en ce qui concerne le renforcement de la résilience du marché des pensions en accroissant les fonctions de la contrepartie centrale établie l’an dernier. Pour renforcer la sécurité et la solidité du marché des dérivés de gré à gré, la plus grande contrepartie centrale globale pour le marché des dérivés sur taux d’intérêt de gré à gré sera surveillée en raison de son importance pour le système financier canadien. L’accord que deux grandes provinces et le gouvernement fédéral ont conclu récemment pour mettre en place une autorité de réglementation coopérative pour les marchés de capitaux pourrait s’avérer utile pour continuer d’harmoniser la réglementation et la surveillance du marché des valeurs mobilières à l’échelle nationale.
11. La résilience du secteur financier canadien pourrait être renforcée davantage dans quelques domaines. Le Canada se conforme largement aux normes internationales en matière de réglementation et de contrôle des banques et des compagnies d’assurances. Néanmoins, les services du FMI ont appelé à préciser l’indépendance juridique du Bureau du surintendant des institutions financières et à attribuer davantage de responsabilités prudentielles à cet organisme, notamment en ce qui concerne le contrôle des groupes d’assurances. La mission est d’avis aussi qu’il est possible de mieux coordonner l’action des autorités fédérales et provinciales sur le plan du contrôle et des tests de résistance de toutes les grandes institutions de dépôt, provinciales ou fédérales. Elle propose aussi de charger clairement une entité de la surveillance macroprudentielle, avec une participation suffisamment large pour avoir une vue complète des risques systémiques dans l’ensemble des institutions et des marchés financiers, et avec le pouvoir de collecter les données nécessaires pour l’analyse des risques systémiques.
La mission remercie les autorités canadiennes de leur hospitalité, ainsi que de l’esprit d’ouverture et de franchise qui a marqué les entretiens.
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