Maroc -- Conclusions préliminaires des consultations de 2008 au titre de l'Article IV

le 30 mai 2008

La déclaration de fin de mission résume les constats préliminaires effectués par les représentants du FMI à l’issue de certaines missions (visites officielles, dans la plupart des cas dans les pays membres). Ces missions s’inscrivent dans le cadre des consultations périodiques (en général annuelles)au titre de l’Article IV des Statuts du FMI, ou sont organisées lorsqu’un pays demande à utiliser les ressources du FMI (à lui emprunter des fonds), ou encore dans le contexte des discussions sur les programmes suivis par le services du FMI, ou d’autres exercices de suivi de la situation économique.

Rabat
Le 30 mai 2008

1. Une mission du Fonds monétaire international (FMI) a séjourné à Rabat du 19 au 30 mai 2008 pour mener les discussions relatives aux consultations au titre de l'Article IV des statuts du FMI. La mission tient à remercier les autorités marocaines de la chaleur de leur accueil, de leur excellente coopération et du caractère très constructif des discussions.

2. Le Maroc continue de récolter les fruits des réformes accomplies, notamment la mise en œuvre de politiques économiques et financières saines. D'importants progrès ont été réalisés ces dernières années en matière de stabilité de l'environnement macro-économique, de résilience de l'économie aux chocs et de renforcement de la position budgétaire. Ces acquis placent les pouvoirs publics dans une position relativement favorable pour absorber dans le court terme les chocs liés à la dégradation de l'environnement mondial, et pour adopter les réponses de politique économique appropriées pour faire face à la hausse durable des cours des matières premières. Au-delà de la préservation des acquis, ces réponses sont nécessaires pour améliorer durablement les revenus et l'emploi de la population marocaine.

Performances économiques récentes

3. Les résultats économiques récents témoignent de la résilience de l'économie marocaine. La croissance du PIB non agricole a atteint 5½ % en moyenne depuis 2004, tirée par une vigoureuse demande intérieure. L'économie continue certes d'être relativement affectée par les aléas climatiques, comme en témoigne le ralentissement de la croissance du PIB réel à 2,7 % en 2007 suite à la forte contraction de la production céréalière. Néanmoins, la diversification accrue de l'économie a néanmoins permis de réduire la volatilité de la croissance et sa dépendance aux aléas climatiques.

4. La position extérieure du Maroc reste solide. Les exportations se sont bien comportées ; cependant, l'essor des importations a été encore plus rapide sous l'effet conjugué de la forte croissance de leur volume et du vif renchérissement des prix du pétrole et des denrées alimentaires à l'échelle mondiale. La bonne tenue des recettes touristiques et des envois de fonds des marocains résidant à l'étranger (MRE) a quasiment compensé le déficit commercial, permettant de maintenir la balance courante proche de l'équilibre en 2007. Compte tenu de l'importance des investissements directs étrangers au Maroc, les réserves extérieures se sont accrues de 4 milliards de dollars en 2007 pour s'établir à 24 milliards de dollars à la fin de l'année, soit l'équivalent de 6,8 mois d'importations de biens et services non facteurs de l'année 2008.

5. L'inflation des prix à la consommation s'est établie à 2 % en décembre 2007. Malgré la tendance haussière observée depuis le début de 2008, qui a porté l'augmentation des prix à 3,7 % à fin-avril 2008 par rapport à fin-avril 2007, l'inflation reste relativement faible, reflétant en partie l'absence d'ajustement des prix administrés depuis le début de 2007. La répercussion intégrale de la hausse des cours du pétrole et des matières premières aurait significativement accru le taux d'inflation. Dans ce contexte, la banque centrale a maintenu son taux directeur à 3,25 %.

6. La performance budgétaire s'est considérablement renforcée ces dernières années. Le budget a été proche de l'équilibre en 2007, sensiblement en-deçà du déficit de 2 % du PIB enregistré en 2006 et de l'objectif de la loi de finances 2007 de 3,4 % du PIB, reflétant principalement la forte progression des recettes fiscales, qui affichent une hausse de près de 3 points de PIB par rapport à 2006. L'accroissement des recettes a été en partie absorbé par la hausse des dépenses, notamment au titre des subventions aux produits pétroliers et aux produits alimentaires de base et des dépenses d'investissement. L'encours de la dette publique a été ramené à 55 % du PIB, contre 58 % en 2006 et 62% en 2005; en outre, le Trésor a procédé en 2007 au remboursement intégral des avances que BAM lui avaient consenties avant les années 1980.

Perspectives économiques

7. La dégradation sensible de l'environnement international en 2008 pose de nouveaux défis. Même si les perturbations sur les marchés financiers mondiaux n'ont jusqu'ici guère touché le Maroc, le ralentissement de la croissance mondiale, en particulier dans l'Union européenne, pourrait infléchir la croissance des exportations marocaines. De plus, le renchérissement des cours des matières premières pourrait entraîner une nouvelle dégradation de la balance commerciale, malgré la forte augmentation du prix des phosphates. Cependant, les recettes touristiques et les envois de fonds des MRE, qui constituent les autres postes principaux du compte courant, ont évolué favorablement au cours des dernières années et leur poids dans le PIB devrait rester relativement stable à moyen terme. De même, les investissements directs étrangers sont en hausse et devraient poursuivre cette tendance. Ainsi, la situation de la balance des paiements devrait demeurer confortable, malgré le léger déficit du compte courant.

8. En dépit de l'environnement global plus difficile, l'activité économique devrait demeurer vigoureuse en 2008. La demande intérieure a été le principal moteur de la croissance ces dernières années, et ne devrait être que légèrement affectée par les développements externes. Dans ce contexte, la croissance du PIB réel devrait atteindre 6½ % environ en 2008 grâce au rebond de la production agricole et à l'expansion continue du secteur non agricole. À moyen terme, la croissance du PIB réel devrait se maintenir autour de 5½-6 %.

Questions de politique économique

Politique budgétaire

9. Le renforcement de la position budgétaire ces dernières années, et en particulier la baisse importante de l'endettement public, a amélioré l'image du Maroc auprès des investisseurs. Ces acquis ont notamment permis au Maroc d'obtenir la notation d'investment grade sur sa dernière émission obligataire. Par ailleurs, la consolidation budgétaire créé potentiellement un espace budgétaire pour répondre aux priorités de la politique publique, comme la hausse des dépenses d'investissement et d'éducation et la poursuite de la réforme fiscale.

10. Cependant, la flambée des cours internationaux du pétrole et de certaines matières premières a bouleversé la donne budgétaire. La décision de ne pas répercuter la hausse des prix mondiaux sur les prix nationaux afin de préserver le pouvoir d'achat a entraîné un alourdissement important des charges de la compensation. Celles-ci pourraient doubler leur poids dans le PIB en 2008 pour atteindre près de 5 %, un montant supérieur à celui des dépenses d'investissement. La hausse des dépenses de compensation, conjuguée à l'impact des hausses de certains salaires de la fonction publique consenties au printemps 2008, pourrait entraîner une détérioration sensible de la situation budgétaire.

11. L'amélioration notable de la position budgétaire au cours de ces dernières années permet, à court terme, d'absorber cette augmentation des dépenses sans compromettre la stabilité macroéconomique. Mais à moyen terme, un accroissement durable des dépenses courantes, notamment au titre de la compensation, pourrait mettre en cause les acquis des dernières années, notamment en menant à des déficits plus élevés et en mettant un frein au mouvement de réduction de la dette publique. Ainsi, ces développements pourraient compromettre à terme les efforts d'investissement public et de réduction du déficit social, et, in fine, la croissance économique. La poursuite de la tendance haussière des cours mondiaux des produits importés renforcerait la nécessité d'adopter des mesures de politique économiques pour se prémunir contre une forte dégradation de la situation budgétaire.

12. Dans ce contexte, il convient de saluer l'intention des autorités d'atteindre l'objectif de déficit budgétaire de la loi de finances 2008, et de transformer progressivement le système actuel de subventions universelles en améliorant leur ciblage en faveur des populations défavorisées. Une réforme en profondeur du système de compensation peut être difficile à mettre en œuvre dans le très court terme. Cependant, les autorités sont encouragées à prendre dès que possible les mesures dont la mise en œuvre peut être immédiate, en réduisant par exemple les dépenses de compensation sur les produits consommés majoritairement par les ménages les plus aisés. La rationalisation de la structure des prix de certains produits, y compris des marges d'intermédiation, est également importante pour réduire certaines des inefficacités inhérentes au mécanisme de compensation actuel. De plus, la réallocation de certaines dépenses courantes au sein du budget pourrait permettre de limiter l'impact de la hausse de dépenses de compensation sur le déficit.

13. La maîtrise de la progression des dépenses courantes dépend de manière cruciale de l'évolution des dépenses de la compensation et de la masse salariale. Sous l'hypothèse d'une rationalisation du système de compensation, et de la préservation des gains acquis en 2005 en matière de réduction du poids de la masse salariale, les perspectives des finances publiques sont encourageantes. La performance fiscale enregistrée ces dernières années devrait se poursuivre, quoiqu'à un rythme moins soutenu, reflétant l'importance des réformes engagées en matière de rétablissement de l'intégrité du système fiscal (notamment par le biais de la suppression progressive des régimes dérogatoires et l'élargissement de l'assiette) et de renforcement de son administration, et de l'amélioration du civisme fiscal. La politique budgétaire devrait rester axée sur la consolidation des finances publiques à moyen terme, et continuer d'être ancrée par un objectif permettant de réduire progressivement le ratio d'endettement public tout en garantissant que des moyens suffisants sont disponibles pour financer les priorités publiques. La mission estime que la réalisation d'un léger excédent du solde primaire renforcerait la stabilité macro-économique, et permettrait au Maroc de combler une partie de l'écart entre son ratio d'endettement public et celui des pays émergents ayant une notation souveraine comparable.

Politique monétaire et de change

14. BAM a bien géré la vigueur de la demande intérieure. Le niveau actuel de l'inflation reflète largement l'impact de phénomènes exogènes, et la mission considère que l'orientation de la politique monétaire reste appropriée dans la conjoncture économique actuelle. Les décisions de politique monétaire pourraient s'avérer plus difficiles dans la période à venir si les augmentations des prix à l'importation s'avèrent durables, et si certains prix administrés sont progressivement ajustés à la hausse. Les hausses de salaires consenties dans le cadre du dialogue social du printemps 2008, qui entreront en effet au 1er juillet, pourraient également avoir un impact sur l'inflation par le biais d'effets de second tour. En l'absence de matérialisation de ces risques, la mission prévoit une inflation moyenne d'environ 3 % en 2008. BAM est bien consciente des enjeux du nouvel environnement, et la mission note avec satisfaction sa détermination à défendre la stabilité des prix.

15. Le régime de change actuel, basé sur le rattachement du dirham à un panier composé de l'euro et du dollar, a fourni un ancrage solide à la politique monétaire et a contribué à la stabilité macroéconomique. En outre, les analyses de la mission suggèrent que le niveau du taux de change est en ligne avec les fondamentaux économiques. La mission note l'intention des autorités d'assouplir progressivement le régime de change, ce qui devrait aider le Maroc à poursuivre son intégration à l'économie mondiale. Les autorités ont réalisé des progrès importants dans la préparation de la mise en place d'un régime plus souple assorti d'un dispositif de ciblage de l'inflation. Les principales avancées portent notamment sur le renforcement des capacités d'analyse et de suivi des marchés financiers, et la communication des décisions de politique monétaire. En outre, l'approfondissement en cours du marché des changes prépare les acteurs à mieux gérer le risque de change.

16. Les autorités continuent à accorder une attention particulière à la cohérence entre le rythme d'ouverture du compte de capital et celui de l'assouplissement du régime de change. Bien qu'il soit trop tôt pour mesurer l'effet des mesures de libéralisation du compte de capital adoptées en août 2007, la libéralisation des facilités de couverture s'est traduite pendant une courte période par un recours accru aux mécanismes de couverture du risque de change sur des opérations du compte courant, suite à la volatilité du taux de change euro-dollar au quatrième trimestre de 2007.

Réforme du secteur financier

17. La mission a présenté aux autorités les conclusions du rapport conjoint du FMI et de la Banque mondiale sur la mise à jour du Programme d'évaluation du secteur financier (PESF). L'équipe du PESF a constaté que le secteur bancaire est globalement solide et résistant aux chocs. Elle a souligné que la poursuite de la stratégie d'ouverture de l'économie nécessite de renforcer la préparation de l'ensemble des acteurs — pouvoirs publics, banque centrale et autres autorités de supervision, secteur financier, et opérateurs économiques — à l'avènement d'un système économique et financier plus ouvert et, en particulier, de renforcer leur capacité à gérer les risques qui en découlent. L'équipe a par ailleurs mis l'accent sur la nécessité de continuer à développer les marchés de l'assurance et des capitaux. Enfin, bien que le secteur financier marocain n'ait guère souffert des perturbations qui ont affecté les marchés financiers internationaux, il est important que l'ensemble des organismes de supervision restent vigilants afin de s'assurer que le secteur dispose des capacités adéquates pour faire face à un environnement mondial plus volatile.

18. Les autorités continuent à faire preuve de vigilance face à la croissance rapide du crédit. A cet égard, la mission se félicite de l'intention de BAM d'augmenter le ratio de solvabilité à 10% à fin 2008, puis à 12 % d'ici fin 2009, ce qui alignerait le Maroc sur les meilleures pratiques des pays émergents. Par ailleurs, le démarrage du crédit bureau améliorera la gestion du risque de crédit.

19. Le secteur immobilier requiert une attention particulière, au vu de la hausse spectaculaire des prix dans certains segments. La demande accrue des nationaux, liée en partie à l'augmentation du revenu ces dernières années et à une forte demande étrangère, ont contribué à cette hausse. S'il est vrai que l'encours du crédit immobilier reste faible par rapport au PIB (14% à fin-2007), sa progression très rapide sur une période très courte pourrait constituer un risque pour l'activité économique. Dans ce contexte, BAM a renforcé son dispositif de suivi de ces risques et, à sa demande, les banques ont adopté un code d'éthique conforme aux meilleures pratiques. Ces mesures ont contribué au léger ralentissement de la croissance du crédit immobilier sur les quatre premiers mois de l'année.

Autres politiques

20. Une croissance économique durable et forte passe par la poursuite des réformes visant à améliorer la productivité de l'économie marocaine, qui a crû moins rapidement que celle des pays émergents les plus dynamiques, et à réduire les coûts dans l'économie. La poursuite des réformes sectorielles — notamment dans les secteurs de l'agriculture, de l'énergie, et du commerce intérieur — ainsi que la réforme de l'éducation, et le renforcement des infrastructures et des services sociaux ont un rôle-clé à jouer pour assurer l'augmentation de l'investissement, de la production et de l'emploi, et l'amélioration du revenu de la population.

21. Des progrès importants ont été enregistrés dans la libéralisation du commerce, notamment à la faveur de récents accords de libre-échange. La mission salue la décision des autorités de poursuivre leurs efforts de libéralisation, notamment par la réduction des taux des droits d'importation du régime de la nation la plus favorisée (NPF) afin d'éviter un risque de détournement des flux commerciaux. S'agissant des accords bilatéraux et régionaux de libre échange, il importe de s'assurer de leur cohérence en vue d'en maximiser les bénéfices.

22. Les autorités sont encouragées à poursuivre leurs efforts de renforcement de l'appareil statistique, y compris par le biais de la mise en place d'enquêtes à fréquence infra-annuelle et la publication rapide du nouvel indice des prix à la consommation. Ces efforts devraient permettre de mieux répondre aux exigences accrues de suivi de l'activité qu'impose l'évolution rapide de l'environnement économique du Maroc.




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