France : Conclusions de la Mission de la Consultation de 2014 au Titre de l’Article IV du FMI
le 15 mai 2014
La déclaration de fin de mission résume les constats préliminaires effectués par les représentants du FMI à l'issue de certaines missions (visites officielles, dans la plupart des cas dans les pays membres). Ces missions s'inscrivent dans le cadre des consultations périodiques (en général annuelles) au titre de l'Article IV des Statuts du FMI, ou sont organisées lorsqu'un pays demande à utiliser les ressources du FMI (à lui emprunter des fonds), ou encore dans le contexte des discussions sur les programmes suivis par le services du FMI, ou d'autres exercices de suivi de la situation économique.
Les objectifs économiques sont correctement fixés et les politiques pour les atteindre ont été bien identifiées. Un ajustement budgétaire très substantiel (de l’ordre de 3 % du PIB au cours des trois dernières années) a déjà été mené et le déficit structurel a été réduit de moitié depuis 2010. Mais la stratégie d’ajustement suivie jusqu'à présent (qui a reposée essentiellement sur la hausse des revenus) a atteint ses limites. Dans ce contexte, le Programme de Stabilité et le Programme National de Reforme définissent un programme triennal centré sur la réduction de la dépense et sur des mesures visant à accroître la réponse de l’offre.
Nous estimons que le programme budgétaire est approprié. Au fil du temps, une augmentation de la dépense publique plus rapide que celle du PIB a entraîné des déficits budgétaires structurels persistants et une hausse de la dette publique. L’érosion de la marge de manœuvre budgétaire qui en a résulté a limité la capacité du gouvernement à soutenir l’activité lorsque l’économie a ralenti en 2012-2013. La hausse concomitante des taxes a pesé sur la capacité de l’économie à croître. Il est devenu primordial de restaurer les marges de manœuvre budgétaires pour permettre au gouvernement de répondre de façon plus flexible dans le futur lors d’éventuels chocs. De plus, il est devenu essentiel de réduire la dépense pour permettre de léguer aux générations futures une protection sociale aux bases financières solides. Pour toutes ces raisons, nous soutenons la continuation de l’ajustement envisagée dans le Programme de Stabilité.
Cependant, les objectifs de la politique budgétaire font face à des défis de taille. En premier lieu, les baisses prévues de la fiscalité signifient que les réductions de la dépense par rapport à sa croissance tendancielle devront être de grande ampleur si, comme elles doivent l’être, les finances publiques sont amenées à retrouver leur équilibre à moyen terme. Les nécessaires réductions de dépenses ont été estimées à 50 milliards d’euros au cours des trois prochaines années. De telles réductions sont d’une ampleur historique. En second lieu, la reprise de l’activité va probablement rester peu dynamique. Nous prévoyons que la croissance économique atteindra 1 % cette année et 1,5 % en 2015 car les mesures de politique de l’offre ne stimuleraient la croissance que graduellement. Même dans ce cadre, les risques d’une reprise plus lente demeurent. Du fait que l’économie tourne à un régime très inférieur à son potentiel, nous prévoyons aussi que l’inflation s’établira à environ 1 %. Cet environnement complique la tâche des autorités. Des conditions monétaires plus accommodantes aideraient la mise en œuvre de la politique budgétaire et permettraient de bénéficier plus tôt des effets des reformes structurelles.
Les risques associés à la mise en œuvre de la politique budgétaire sont considérables. Atteindre les objectifs budgétaires tout en réduisant les impôts ne laisse aucune marge de manœuvre dans la mise en œuvre des réductions de dépenses. Les principaux risques sont que les plans initiaux soient dilués lors de la déclinaison annuelle des budgets et que les réductions de dotations aux collectivités territoriales soient en partie compensées par des réductions non soutenables de l’investissement, par une hausse de la fiscalité locale ou par une hausse de l’endettement. Cela saperait la stratégie de rééquilibrage fiscal du gouvernement. Par ailleurs, la dépense pourrait rebondir dès que l’effort se relâche si les réductions budgétaires portent plus sur des économies que sur des mesures structurelles.
Nous pensons que les mesures suivantes réduiraient ces risques :
- Décrire en début de course (par exemple lors de la prochaine loi de finance pluriannuelle) les mesures et les instruments qui permettront les réductions de dépenses à moyen terme. Cela, conjugué avec un calendrier indicatif, permettraient de limiter les pressions à diluer les politiques. Cette approche pourrait être soutenue, par ailleurs, par un engagement à compenser en temps réel toutes mesure de dépenses supplémentaires ;
- Renforcer les structures institutionnelles et de gouvernance des autorités locales. Les réformes institutionnelles annoncées par le Premier Ministre sont essentielles pour soutenir les réductions de dépenses sur le moyen terme. De plus, de nouveaux instruments de coordination et de suivi pourraient être créés pour assurer que la réponse des gouvernements locaux aux réductions des dotations soit efficace dès 2015. De tels instruments pourraient inclure des mécanismes de correction en cas d’écart par rapport aux cibles ;
- Faire reposer les budgets annuels sur des hypothèses macroéconomiques prudentes, prenant avantage du nouveau cadre de gouvernance établi avec la création du Haut Conseil des Finances Publiques.
Au-delà de la question du redressement des finances publiques, le gouvernement fait face aux enjeux d’emploi et de compétitivité. Le taux d’emploi en France reste parmi les plus bas de l’OCDE, ce qui reflète de fortes rigidités qui entravent les créations d’emplois et le développement des entreprises. La baisse des marges des entreprises, induite par le découplage observé ces dernières années entre la productivité et les salaires, a entravé la capacité des entreprises à innover, à se développer sur les marchés étrangers et à créer des emplois.
L’identification des enjeux apparaît largement partagée et des actions appropriées ont déjà été mises en place pour y répondre. Nous prenons note du discours renouvelé qui place les entreprises au cœur du processus de croissance. Les baisses de taxes et de cotisations sociales permettront aux entreprises d’améliorer leur compétitivité, à condition que ces nouvelles marges de manœuvre soient utilisées pour augmenter l’investissement. Par ailleurs, le choc de simplification monte en puissance grâce à une approche bien définie et devrait offrir des gains significatifs au secteur privé.
Bien que positives, ces mesures pourraient cependant ne pas être suffisantes si elles ne sont pas accompagnées par un approfondissement des réformes sur le marché du travail et le marché des biens et services. Nous avons identifié les leviers suivants pour améliorer la capacité d’adaptation du marché du travail :
- Davantage de place pourrait être accordée à la négociation des partenaires sociaux au niveau de l’entreprise. Des possibilités d’ajustement des conditions de travail mieux adaptées aux différents besoins des entreprises permettraient de favoriser l’emploi. La loi de sécurisation de l’emploi a ouvert la porte à de telles possibilités, sous certaines conditions spécifiques. C’est une évolution structurante pour le marché du travail, qui pourrait être amplifiée.
- La négociation salariale dans les entreprises devrait veiller à assurer une meilleure adéquation entre salaires et productivité. Le salaire minimum est un élément clé dans le processus de formation des salaires. Il permet d’assurer un niveau de vie suffisant aux travailleurs mais pèse par ailleurs sur les créations d’emplois pour les travailleurs les moins productifs. La formule d’indexation pourrait ainsi être ajustée pour prendre en compte leur taux de chômage élevé.
- Les politiques d’activation devraient être renforcées dans la mesure où la reprise est en train de s’installer. Une réforme de l’assurance chômage pourrait viser à renforcer le lien entre la durée de cotisation et le niveau d’assurance d’une part, et entre le montant des cotisations chômage et l’importance de la rotation de la main d’œuvre dans l’entreprise d’autre part. La création des droits rechargeables représente déjà une étape positive.
Une volonté renouvelée de lutter contre les rentes de marché apparaît comme un moyen puissant pour stimuler l’activité économique. Au-delà d’une augmentation du pouvoir d’achat des ménages, la suppression des barrières à l’entrée favorise la création de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois. Le Programme National de Réforme identifie un certain nombre de secteurs au sein desquels la concurrence pourrait être accrue et la loi relative à la consommation renforce les outils permettant de lutter contre les pratiques anti-concurrentielles. Afin de mieux résister aux groupes de pression, il serait judicieux de s’appuyer sur le rôle de l’autorité de la concurrence et d’adopter une approche plus transversale afin de cibler des pratiques générales plutôt que des secteurs spécifiques. Etant donné son effet potentiellement important sur l’emploi, nous pensons également que les horaires d’ouvertures des commerces devraient gagner en flexibilité. De la même façon, l’investissement et l’emploi pourraient être favorisés par une révision des normes d’urbanisme, afin de les adapter aux besoins du marché du logement et des entreprises. L’attention devrait également être portée aux effets de seuil qui sont un facteur contraignant pour les entreprises.
Les réformes relatives au marché financier ont poursuivi deux objectifs : assurer la continuité du financement de l’économie et renforcer la stabilité financière. Le secteur financier français apparaît dans une position relativement favorable sur ces deux aspects. D’une part les conditions d’octroi de crédit sont restées stables en dépit de conditions de financement et d’une règlementation plus strictes. D’autre part le niveau des fonds propres et des liquidités a été significativement renforcé. Ces efforts renforcent les capacités de résilience des banques et confèrent à l’économie et aux finances publiques une meilleure capacité de résistance vis-à-vis des risques d’instabilité sur les marchés financiers. Conformément aux obligations relatives à l’union bancaire, les préparations en vue de la mise en place du mécanisme de supervision unique (MSU) sont déjà bien entamées.
Néanmoins, la convergence vers des normes de régulations plus strictes pourrait créer des tensions et pourrait nécessiter une adaptation plus poussée du système financier français. La faiblesse de la demande de crédit, malgré une croissance positive, a aidé les banques à réduire le ratio crédits sur dépôts plus rapidement que prévu et à converger vers les nouvelles exigences de liquidités. Avec la reprise économique et le redémarrage de la demande de crédit, la capacité des banques à financer l’économie pourrait néanmoins s’avérer insuffisante. Ce risque peut être limité par la titrisation des crédits bancaires et par le recours des grandes entreprises et des entreprises de tailles intermédiaires (ETI) au financement de marché. Néanmoins ces mécanismes mettront du temps à se développer et sont eux-mêmes sujets à certains risques. C’est pourquoi une réforme plus large des incitations fiscales et de l’épargne réglementée pourrait se révéler nécessaire afin d’accroître la capacité des banques à récolter des dépôts, d’assurer l’efficacité de l’intermédiation financière et d’assurer un financement continu des entreprises.
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La mission tient à remercier les autorités pour leur accueil, le dialogue à la fois très ouvert et constructif et la grande qualité des analyses écrites fournies à la mission.
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