Canada : conclusions de la mission de 2016 au titre de l’article IV

le 9 mai 2016

Les conclusions décrivent les observations préliminaires des services du FMI au terme d’une visite (ou «mission») officielle, le plus souvent dans des pays membres. Les missions sont effectuées dans le cadre des consultations périodiques (généralement annuelles) au titre de l’article IV des Statuts du FMI, d’une demande d’utilisation (emprunt) des ressources du FMI, des discussions sur les programmes de référence, ou d’une autre forme de suivi de l’évolution économique.

Les autorités ont consenti à la publication des présentes conclusions. Les opinions exprimées dans ces conclusions sont celles des services du FMI et ne sont pas nécessairement celles du Conseil d’administration. À partir des conclusions préliminaires de la mission, les services du FMI prépareront un rapport qui, sous réserve de l’approbation de la direction, sera présenté au Conseil d’administration pour examen et décision.

9 mai 2016

Les consultations de 2016 avec le Canada au titre de l’article IV ont porté principalement sur l’évaluation de l’impact macrofinancier du choc pétrolier et sur les mesures qui pourraient stimuler la demande intérieure à court terme, atténuer les risques baissiers et placer le Canada sur une trajectoire de croissance solide à long terme. Les messages principaux sont les suivants :

  • La politique monétaire doit rester accommodante, et un nouvel assouplissement devrait être envisagé si l’économie s’essoufflait. Cependant, la politique monétaire ne doit pas supporter seule la charge du soutien de l’économie, étant donné les risques qui pourraient peser sur la stabilité financière dans un environnement où les taux d’intérêt sont bas.
  • La politique budgétaire doit être favorable à la croissance. Le gouvernement fédéral dispose d’une marge de manœuvre budgétaire, et il est approprié qu’il ait l’intention d’accroître les dépenses dans les infrastructures dans le budget de 2016. Il serait bon et il est possible de fournir un soutien budgétaire supplémentaire si les risques baissiers se matérialisent et l’économie s’essouffle. Il convient de renforcer les ancrages de la viabilité à moyen terme pour mettre en évidence la crédibilité des finances publiques.
  • La politique macroprudentielle a globalement réussi à atténuer les risques pesant sur la stabilité financière et à réduire l’exposition des contribuables au crédit hypothécaire. Il sera peut-être nécessaire de prendre des mesures macroprudentielles supplémentaires si le marché du logement devient plus vulnérable.
  • En dépit de progrès importants, il est nécessaire de déployer des efforts concertés en ce qui concerne plusieurs recommandations importantes du PESF 2013 qui n’ont pas encore été mises en œuvre.
  • Il convient d’accorder plus d’importance aux réformes structurelles qui rehaussent la productivité et la compétitivité extérieure afin de faciliter la diversification de l’économie.

CONTEXTE

1. Le choc pétrolier constitue le premier test majeur de la résilience économique et financière du Canada depuis la crise financière mondiale 2008. La croissance du PIB réel est tombée de 2,5 % en 2014 à 1,2 % en 2015, parce que les compagnies pétrolières ont réduit considérablement leurs dépenses d’investissement, mais globalement l’économie canadienne s’en sort bien. Le double abaissement volontariste du taux directeur par la Banque du Canada en 2015 et la dépréciation de la monnaie ont atténué les effets du choc pétrolier, alors même que l’inflation continue de se situer dans la fourchette cible de 1 à 3 %. Le chômage a augmenté, et l’écart de production négatif s’est élargi, pour avoisiner 1 % du PIB. En mars 2016, le nouveau gouvernement a annoncé son premier budget, qui met l’accent sur les investissements dans les infrastructures et renforce le rôle de la classe moyenne en tant que moteur de la croissance économique.

2. Les effets du choc pétrolier n’ont pas encore été pleinement ressentis. L’économie est encore en train de s’ajuster à la baisse des prix du pétrole, en partie parce que la réaffectation du capital et du travail du secteur des ressources au secteur hors ressources prend du temps, comme l’on pouvait s’y attendre. En raison du choc pétrolier et du ralentissement économique, la vulnérabilité financière est devenue plus apparente. Les cessations de remboursement de prêts augmentent progressivement, même si leur niveau de départ était bas. Si l’exposition directe du système bancaire au secteur du pétrole et du gaz est limitée, son exposition indirecte aux provinces riches en ressources est plus élevée, ce qui exigera d’accroître les provisions pour se protéger d’une détérioration du rendement des prêts. De manière générale, l’affaiblissement de l’économie a ravivé les craintes relatives au niveau élevé de l’endettement des ménages et aux tendances divergentes des prix du logement, qui augmentent rapidement à Vancouver et à Toronto, alors qu’ils baissent en Alberta. Les finances publiques souffrent aussi, en particulier au niveau des provinces, où les résultats ont dévié selon leur dépendance à l’égard des ressources.

3. La position extérieure est légèrement plus faible que ne l’impliquent les paramètres économiques fondamentaux. En dépit d’un affaiblissement de la monnaie, le solde des transactions extérieures courantes s’est détérioré. Les services du FMI estiment que l’écart du solde courant se situe entre –2 et –1 % du PIB, et que le taux de change effectif réel est légèrement surévalué par rapport aux paramètres économiques fondamentaux et aux orientations souhaitables de la politique économique à moyen terme.

PERSPECTIVES, RISQUES ET EFFETS DE CONTAGION

4. Une reprise économique modeste est prévue à court terme. La croissance du PIB devrait s’accélérer progressivement pour atteindre 1,75 % en 2016, puis 2,25 % en 2017, et se rapprocher de son niveau potentiel à moyen terme. L’investissement dans le secteur pétrolier devrait diminuer d’environ 30 % en 2016, après une baisse de 40 % en 2015, tandis que les prix du pétrole resteront probablement bas par rapport aux coûts d’équilibre à long terme des compagnies pétrolières. Cependant, les exportations hors énergie devraient augmenter, car l’industrie manufacturière redevient plus compétitive et l’activité aux États-Unis reste robuste, ce qui entraîne une reprise de l’investissement des entreprises. La consommation privée devrait rester solide, portée par un marché du travail qui reste résilient et une politique monétaire accommodante. La relance budgétaire facilitera un retour plus rapide de l’économie à son potentiel.

5. Les perspectives à moyen terme dépendent de la capacité de l’économie à s’ajuster à la baisse des prix du pétrole. En passant sans heurt à une croissance qui ne dépend plus des ressources, le Canada pourra tirer parti de la modification de la structure des échanges à l’échelle mondiale et réaliser une croissance potentielle d’environ 2 % à moyen terme. Cependant, cela reste inférieur à la moyenne annuelle de 2,25 % qui a été enregistrée au cours des quinze dernières années.

6. Les risques qui pèsent sur les perspectives sont plutôt de nature baissière.

  • Prix du pétrole. Des prix du pétrole continuellement bas représentent un risque important pour l’économie, car cela pourrait forcer certaines entreprises à arrêter leur production de manière permanente. À long terme, de fortes réductions de l’investissement dans le secteur pétrolier compromettront la capacité du secteur à accroître la production lorsque les marchés du pétrole commenceront à se rééquilibrer.
  • Croissance et conditions financières mondiales. La montée de l’incertitude entourant les perspectives de la croissance mondiale et une riposte inefficace face aux vents contraires pourraient conduire à une faiblesse persistante du commerce et de l’investissement à l’échelle mondiale. Le durcissement des conditions financières mondiales dû à une augmentation de l’aversion pour le risque et aux pressions exercées sur les banques en Europe, ou à une hausse plus forte que prévu de la prime d’échéance aux États-Unis dans le contexte de la normalisation de la politique monétaire de la Réserve fédérale, pourrait accroître le coût de financement pour le Canada.
  • Marché national du logement. Une grave récession qui provoque une forte hausse du taux de chômage pourrait déstabiliser le marché du logement, avec pour conséquences des chaînes de rétroaction négatives dans l’économie et une augmentation des risques pesant sur la stabilité financière. Étant donné l’ampleur de l’assurance hypothécaire garantie par l’État, l’impact d’un ralentissement prononcé du marché du logement sur la position des finances publiques fédérales pourrait être considérable et pourrait limiter les possibilités de relance par voie budgétaire à terme.

7. Les perspectives à moyen terme pourraient aussi être révisées à la hausse. Un redressement plus marqué que prévu des exportations canadiennes entraînerait une hausse de l’investissement des entreprises et accélérerait la réorientation des ressources du secteur de l’énergie vers les autres secteurs.

8. Par ailleurs, la solidité des paramètres économiques fondamentaux du Canada contribuera à atténuer l’impact si les risques se matérialisent. Le Canada dispose d’institutions solides et a fait ses preuves en ce qui concerne la cohérence de sa politique économique. Grâce aux avoirs considérables qu’il détient à l’étranger, sa position extérieure globale nette est positive. Cela représente une couverture naturelle du risque de change sur la dette globale. La flexibilité du taux de change constitue aussi un amortisseur de choc important.

9. Il pourrait y avoir des effets de contagion sur les Caraïbes.

  • Les banques canadiennes entretiennent des relations de longue date avec la région des Caraïbes, mais la faiblesse des rendements a poussé certaines d’entre elles à réduire leurs activités, et notamment à fermer des succursales. Cette tendance à la rationalisation des activités dans la région pourrait s’accentuer si les risques de dégradation de la situation au Canada se matérialisaient. Les recettes tirées du tourisme pourraient souffrir aussi, car le Canada constitue une source majeure de touristes pour la région, devancé seulement par les États-Unis.
  • Il n’y a pas de réduction sensible des relations de correspondant bancaire des banques canadiennes dans les Caraïbes. Selon une enquête récente de la Banque mondiale sur les relations de correspondant bancaire, les banques canadiennes n’ont pas cessé ou limité sensiblement ces relations par rapport aux banques américaines et britanniques. Par ailleurs, cependant, les banques canadiennes choisissent de ne pas occuper la place laissée vacante par des banques internationales qui quittent la région, en partie parce que l’augmentation des coûts liés à l’observation des réglementations a compliqué l’équation risques/gains.
  • Dans ce contexte, les banques canadiennes recherchent davantage de clarté dans les normes nationales et internationales (y compris celles établies par le Groupe d’action financière) afin de combattre le blanchiment des capitaux, ainsi que l’évasion et la fraude fiscales offshore. À l’heure actuelle, le Bureau du surintendant des institutions financières ne dispose pas de données sur les relations de correspondant bancaire dans les Caraïbes ou d’autres régions, mais il est encouragé à suivre de plus près les développements dans ce domaine.

ENJEUX DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE

Politique monétaire

10. L’orientation actuelle de la politique monétaire est appropriée. La Banque du Canada doit être prête à abaisser son taux directeur si les risques se matérialisent et si l’économie s’essouffle. Cependant, comme le taux directeur est actuellement de 0,5 %, la marge de manœuvre est dorénavant limitée.

11. Il serait approprié de recourir à des mesures non conventionnelles de politique monétaire au cas où l’économie ralentirait sensiblement et où des risques de déflation apparaîtraient, mais il sera essentiel de communiquer clairement à ce sujet. Les services du FMI saluent la mise à jour récente par la Banque du Canada de son arsenal de mesures non conventionnelles de politique monétaire, qui inclut des orientations stratégiques, des achats d’actifs à grande échelle, des taux d’intérêt négatifs et des financements de crédit. La Banque du Canada ne s’est pas engagée à utiliser ces mesures dans quelque ordre que ce soit. Les services du FMI conviennent que l’efficacité de chaque mesure dépendra du contexte économique et financier et, dans certains cas, les mesures pourraient se renforcer mutuellement lorsqu’elles sont utilisées conjointement. Si des mesures non conventionnelles de politique monétaire sont utilisées, la Banque du Canada devra communiquer clairement son diagnostic du problème, ainsi que les bienfaits et les voies de transmission des mesures qu’elle a l’intention d’appliquer.

12. L’action de la politique monétaire est trop diffuse face à la vulnérabilité du marché du logement, et la politique macroprudentielle doit rester la première ligne de défense de la stabilité financière. Le coût de l’utilisation de la politique monétaire pour atteindre des objectifs de stabilité financière («aller à contre-courant») en excède les bienfaits, sauf lorsque la croissance du crédit est exceptionnellement élevée pendant une longue période. La politique macroprudentielle doit donc généralement être le premier outil à utiliser face aux risques pesant sur la stabilité financière, et c’est effectivement le cas au Canada. Cela dit, la Banque du Canada est d’avis que la politique monétaire a un rôle à jouer dans la stabilité financière, et son approche de la politique monétaire basée sur la gestion des risques prend en compte la stabilité financière dans le cadre de son dispositif souple de ciblage de l’inflation.

Politique budgétaire

13. Le budget 2016 du gouvernement fédéral, qui est axé sur la croissance, est approprié. Les taux d’intérêt bas et le faible niveau d’endettement offrent un espace pour agir sur le plan budgétaire sans compromettre les perspectives de viabilité de la dette à moyen terme. Dans ce contexte, les mesures de relance prévues dans le budget 2016 vont dans le bon sens puisqu’elles aideront aussi à alléger la contribution de la politique monétaire au soutien de la demande à court terme. Le rôle plus actif assigné à la politique budgétaire permettra de mieux articuler la politique économique en rendant moins nécessaire un nouvel assouplissement monétaire et limitera ainsi les possibilités de prise de risques excessifs dans un environnement caractérisé par des taux d’intérêt bas. Les mesures de relance consistent en des mesures discrétionnaires représentant au total 1,25 % du PIB, dont plus de 40 % concernent des projets d’infrastructure pouvant pour la plupart être mis en œuvre immédiatement. Les services du FMI estiment que, si l’on applique un multiplicateur budgétaire prudent, ces mesures permettront de rehausser le taux de croissance annuel de 0,5 point de pourcentage du PIB pendant chacun des deux prochains exercices budgétaires. Il s’ensuivra une hausse du déficit global, qui passera de 0,25 % du PIB en 2015 à environ 1 % du PIB en 2016 et 2017.

14. Si la situation économique se détériore, un assouplissement budgétaire supplémentaire, pour lequel une marge existe, devrait être envisagé. Ces mesures budgétaires supplémentaires devraient être temporaires et pourraient prendre la forme d’un avancement du calendrier des dépenses d’infrastructure prévues, ou d’une réduction temporaire des impôts sur le revenu des personnes physiques et sur les sociétés.

15. Au niveau provincial, il convient d’être plus prudent. Parmi les grandes provinces, le Québec a une dette relativement élevée et l’Ontario a un déficit relativement élevé. Dans ces provinces, l’assainissement des finances publiques devrait se poursuivre, mais à un rythme progressif afin de ne pas annuler l’effet des mesures de relance du gouvernement fédéral et de soutenir la reprise en cours. Du fait que l’Alberta est fortement tributaire des redevances pétrolières, le solde de fonctionnement de la province est devenu négatif, mais elle reste très peu endettée. Étant donné que son économie est aussi nettement plus faible que celle du reste du pays, il conviendrait de laisser jouer complètement les stabilisateurs automatiques.

16. Il sera important de renforcer le cadre budgétaire à moyen terme pour rehausser la crédibilité de la politique de finances publiques. Toute mesure de relance devrait être accompagnée d’un plan crédible d’assainissement à moyen terme des finances publiques. Cet assainissement à moyen terme contribuera aussi à améliorer la position extérieure.

  • La détermination du gouvernement fédéral de placer le ratio dette/PIB sur une trajectoire descendante est appropriée. Dans ce contexte, la règle actuelle de l’équilibre budgétaire devrait être remplacée par une nouvelle règle budgétaire qui soit transparente, facile à communiquer et suffisamment souple pour éviter la procyclicité (à cet égard, diverses options ont été élaborées dans le cadre des consultations de 2014 au titre de l’article IV). La nouvelle règle devrait être incorporée à un cadre budgétaire pluriannuel détaillant des mesures compatibles avec les projections de recettes et de dépenses.
  • Au niveau provincial, les règles budgétaires devraient être modifiées de manière à viser le solde global, qui comprend les dépenses en capital, plutôt que le solde de fonctionnement. Cela permettrait d’établir un lien clair entre les objectifs en matière de déficit et de dette et renforcerait la crédibilité des provinces où la réduction de la dette est un objectif budgétaire à moyen terme (par exemple au Québec et en Ontario).

17. Pour tirer le maximum des dépenses d’infrastructure et axer la «phase 2» du projet d’infrastructure sur l’amélioration de la productivité, une coopération et une coordination étroites seront nécessaires entre les autorités fédérales et provinciales. Le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle directeur dans l’élaboration d’un plan d’infrastructure à l’échelle nationale, qui identifie les déficiences infrastructurelles et donne la priorité aux projets de nature à renforcer la capacité productive de l’économie. Les projets prioritaires pourraient inclure ceux qui visent à réduire l’engorgement des transports urbains, et à améliorer et élargir les couloirs commerciaux. Dans un premier temps, un forum regroupant toutes les parties prenantes devrait être organisé pour encourager leur participation. En outre, il est nécessaire de trouver des sources de financement nouvelles et novatrices pour permettre l’application du plan d’infrastructure afin d’en limiter les effets sur la dette aux niveaux provincial et municipal. Nous nous félicitons des options de financement élaborées dans le budget 2016, qui comprennent une plus grande participation des caisses de retraite publiques, le paiement de redevances par les usagers et une utilisation plus créative des partenariats public–privé.

18. Pour ce qui est des réformes à plus long terme, les autorités devraient prendre en considération les effets sur les finances provinciales de la montée des coûts des soins de santé et du vieillissement de la population. Au niveau provincial, des déficits budgétaires pourraient apparaître et se creuser au fil du temps, ce qui aurait de réelles conséquences pour l’endettement des provinces à un horizon de quinze à vingt ans. Face à cette perspective, c’est aux provinces qu’il appartient avant tout d’adapter leurs priorités budgétaires.

Politique concernant le secteur financier

19. Les autorités restent attentives aux risques liés au secteur de l’immobilier résidentiel. Une série de mesures macroprudentielles ont été adoptées depuis 2008, y compris tout dernièrement en décembre 2015, pour réduire la prise de risque et limiter l’exposition des contribuables au secteur immobilier résidentiel. Dans l’ensemble, ces mesures ont été efficaces : elles ont permis de ralentir le rythme d’expansion des crédits hypothécaires, qui est passé de plus de 10 % sur la période 2010–11 à environ 5 % en 2015, et d’améliorer le profil de risque des nouveaux prêts hypothécaires.

20. Cependant, de nouvelles mesures macroprudentielles s’imposeront si les vulnérabilités du secteur de l’immobilier résidentiel s’accentuent. Les disparités croissantes entre les marchés immobiliers régionaux appellent des mesures pour remédier à certains déséquilibres. La mission salue l’initiative du BSIF consistant à introduire un niveau plancher, fondé sur les risques, dans les modèles internes de calcul des fonds propres des banques pour les prêts hypothécaires non assurés. Au-delà, les autorités pourraient envisager de plafonner le ratio prêt/revenus pour remédier aux déséquilibres régionaux. Cette mesure serait préférable au plafonnement du ratio service de la dette/revenus, qui devient moins contraignant en période de taux d’intérêt bas.

21. L’assurance hypothécaire garantie par l’État a joué un rôle anticyclique important en période de tensions, mais cet avantage doit être évalué à l’aune de son coût potentiel pour le contribuable. Les garanties publiques des crédits hypothécaires assurés représentent encore non moins de 36 % du PIB en 2015, bien que l’État reçoive le revenu des primes que lui versent la SCHL et les assureurs privés. Parmi les mesures qui pourraient être prises pour réduire la présence de l’État dans le domaine de l’assurance des crédits hypothécaires figurent un partage du risque avec le prêteur par l’introduction de franchises plus élevées pour les crédits hypothécaires assurés et un calcul plus différencié des primes d’assurance et des frais de titrisation. Cela dit, toute réforme doit être mise en œuvre progressivement afin de préserver le rôle anticyclique et l’objectif social des mesures visant à faciliter l’accès aux crédits hypothécaires.

22. La mise en œuvre des recommandations du PESF 2013 a nettement progressé. La création de la nouvelle Autorité de réglementation des marchés des capitaux, qui regroupe l’autorité de réglementation fédérale et les six autorités de réglementation provinciales pour améliorer la capacité du Canada d’identifier et de gérer les risques systémiques à l’échelle nationale, est une étape décisive vers le renforcement de la coopération entre les organismes de réglementation fédéral et provinciaux. D’autres mesures ont aussi été prises pour développer la collaboration avec les autorités de réglementation provinciales; ainsi, la Banque du Canada fournit une assistance technique pour les tests de résistance et l’élaboration de modèles macroéconomiques. En outre, la SCHL a pris l’initiative de publier les résultats de son test de résistance, et la Banque du Canada réfléchit au meilleur moyen d’intégrer l’analyse quantitative réalisée à partir de ses modèles à son évaluation de la stabilité financière présentée dans la Revue du système financier. Cela renforcerait à la fois la transparence et la crédibilité des politiques concernant le secteur financier.

23. Cependant, les autorités n’ont pas encore donné suite à un certain nombre de recommandations importantes du PESF. Ainsi, le PESF préconisait de confier à une entité réglementaire la mission spécifique de surveiller le risque systémique pour faciliter le contrôle macroprudentiel et préparer l’ensemble du système à l’éventualité d’une crise. Ce rôle est assuré de facto par le Comité consultatif supérieur (CSS). Cependant, le CSS n’est pas chargé spécifiquement de la gestion des crises, et ses membres n’ont pas de mandat explicite en matière de stabilité financière pour assurer le contrôle macroprudentiel. En outre, conformément aux principes fondamentaux du Comité de Bâle, la législation devrait être modifiée de manière à faire du BSIF la seule autorité décisionnelle en matière de critères prudentiels. Il est important qu’une autorité prudentielle puisse prendre ses décisions pour des raisons de sécurité et de solidité du système en dehors de toute ingérence potentielle des ministères. Bien que cela n’ait jamais posé de problème en pratique, le pouvoir d’un ministère de passer outre à la décision d’une autorité réglementaire altère l’indépendance opérationnelle de celle-ci, qui est pourtant indispensable à l’efficacité de la surveillance. Enfin, la capacité d’assurer la supervision à l’échelle d’un groupe est une composante clé des principes fondamentaux en matière d’assurance, qui vise à promouvoir une évaluation consolidée des risques et à empêcher les arbitrages entre les structures d’un même groupe relevant de réglementations différentes. La législation devrait être modifiée de manière à conférer au BSIF le pouvoir de prendre des mesures de supervision au niveau de la société holding.

Réformes structurelles

24. Le moment est propice pour relancer les réformes structurelles afin d’accélérer la croissance de la productivité du Canada, qui est distancé par ses pairs dans ce domaine et dont la compétitivité extérieure s’est érodée en partie à cause de cet écart. La dépréciation de la monnaie au cours de ces deux dernières années a nettement amélioré la compétitivité–prix des exportations non énergétiques du Canada. Cependant, il ne sera peut-être pas facile de réparer l’érosion passée des capacités du secteur manufacturier, ce qui pèsera d’autant plus sur le rythme et l’étendue de la reprise des exportations. Une croissance plus forte de la productivité de la main-d’œuvre est nécessaire pour rétablir les capacités du secteur manufacturier et, plus généralement, améliorer la capacité du Canada d’affronter la concurrence sur les marchés d’exportation existants et nouveaux. Dans cette optique, il convient d’agir sur plusieurs fronts pour promouvoir l’innovation et l’investissement dans le capital physique et humain.

Promouvoir l’innovation. L’investissement dans la R&D privée pourrait rapporter d’importants dividendes en termes de croissance économique, ce qui milite fortement en faveur d’une politique budgétaire d’accompagnement. Le système fiscal actuel prévoit de généreuses incitations fiscales pour les petites et moyennes entreprises (PME) par rapport aux grandes sociétés. Cependant, accorder des subventions aux PME en fonction de leur taille uniquement n’est peut-être pas une solution optimale :

  • Premièrement, ce sont surtout les entreprises nouvelles, et non les entreprises de petite taille, qui sont le plus susceptibles de lancer sur le marché de nouvelles idées, de nouveaux modèles économiques et de nouvelles technologies. Une forte proportion de jeunes pousses (entreprises existant depuis moins de deux ans) accroît à la fois la probabilité d’innovations radicales et les pressions concurrentielles sur les entreprises établies pour les inciter à innover et à adopter de nouvelles technologies. Le Canada est l’un des pays de l’OCDE où la proportion de jeunes pousses est parmi les plus faibles.
  • Deuxièmement, les préférences fiscales fondées sur la taille peuvent dissuader les entreprises de se développer et créer ainsi un «piège des petites entreprises», qui contribuent ainsi moins à la croissance de la productivité et de l’emploi. Environ 60 % des petites entreprises du Canada ont plus de six ans.
  • Troisièmement, les grandes entreprises innovantes peuvent avoir un plus grand impact sur l’innovation dans les entreprises. En raison de leur rôle central dans les chaînes de l’offre, ces entreprises peuvent influer sur l’innovation dans les entreprises plus petites. Leur présence est indispensable pour l’ancrage des pôles d’innovation et peut promouvoir une culture de l’innovation plus profonde chez les autres membres de ces pôles. Enfin, les grandes entreprises disposent de davantage de ressources pour investir, innover et exporter, et, en général, elles sont plus productives que leurs homologues de petite taille.

La politique budgétaire peut certes jouer un rôle important dans la promotion de l’innovation, mais l’État devrait évaluer son système de subventions des activités de R&D pour s’assurer qu’il est rentable et simple afin d’en réduire autant que possible les coûts de conformité et d’en faciliter l’accès pour les entreprises, et afin de trouver un juste équilibre entre soutiens directs et indirects. Le taux d’imposition effectif global ne devrait pas avoir un effet dissuasif sur les entreprises qui souhaitent se développer. En particulier, il conviendrait de revoir le traitement fiscal préférentiel des petites entreprises. Des allégements fiscaux bien conçus pour les nouvelles entreprises peuvent encourager la création d’entreprise et l’innovation, comme le montrent les expériences réussies du Chili et de la France dans ce domaine.

Accroître les taux d’activité et les réserves de compétences. L’écart actuel (10 points de pourcentage) entre les taux d’activité des hommes et des femmes devrait être réduit. D’après l’analyse des services du FMI, un taux d’activité élevé chez les femmes influe fortement sur la croissance de la productivité. Les prestations canadiennes pour enfants constituent un pas dans la bonne direction dans la mesure où elles bénéficient aux familles à revenus faibles et moyens, mais elles pourraient être mieux ciblées, de manière à accroître le taux d’activité des femmes, en accordant par exemple des aides à la garde d’enfants plus généreuses aux parents qui travaillent.

Investissement dans le capital humain et la formation. Le niveau d’éducation de la main-d’œuvre canadienne est élevé, mais le développement des formations professionnelles et spécialisées permettrait de remodeler la main-d’œuvre pour en faciliter la mobilité vers les activités à forte valeur ajoutée et affronter les défis d’une économie mondiale en évolution. Le Canada consacre environ moitié moins de ressources publiques à la formation que la moyenne de l’OCDE, ce qui laisse une grande marge d’amélioration.

Investissement dans le capital physique. L’augmentation des dépenses d’infrastructure prévue par le gouvernement fédéral catalysera les investissements des entreprises privées. En outre, la réduction des barrières au commerce entre provinces et des politiques visant à promouvoir la concurrence dans les secteurs de réseaux créeraient les conditions voulues pour développer l’investissement des entreprises nationales et attirer l’IDE.
Nous tenons à remercier les autorités et nos interlocuteurs du secteur privé de leur coopération et de leur hospitalité.

DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI

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