République Centrafricaine — Questions et Réponses

Dernière mise à jour : le 8 novembre 2024

Réponses aux questions clés sur le programme du FMI avec la République centrafricaine.

Pourquoi la RCA a-t-elle demandé l'aide financière du FMI en 2022 et quels sont les objectifs du programme appuyé par le Fonds ?

Une décennie après la guerre civile de 2013, et malgré des progrès importants en matière de stabilisation, la République Centrafricaine (RCA) continue à être confrontée à de multiples défis économiques et humanitaires nés de la succession de chocs qui ont affecté le pays au fil des années. La suspension des aides budgétaires en 2021, qui représentaient 5 % du PIB, a mis les finances publiques sous tension. Le gouvernement a sollicité l’aide financière du FMI et d’autres institutions financières internationales pour répondre aux besoins de financement de la balance des paiements, pendant qu’il met en œuvre un programme de réformes visant à corriger les principaux déséquilibres de l’économie et des finances publiques.

En particulier, le programme appuyé par le FMI vise à 1) accroître les recettes intérieures, notamment en réformant le marché des carburants, 2) améliorer la gestion des finances publiques, 3) réformer la gestion de la dette et 4) adopter des réformes de la gouvernance. Les initiatives de mobilisation des recettes intérieures portent sur la dématérialisation dans les Directions des douanes et des impôts, la réduction des exonérations douanières et de TVA, le recouvrement des arriérés fiscaux et la centralisation des recettes sur le compte unique du Trésor. Les efforts en gestion des finances publiques se concentrent sur la planification budgétaire, le contrôle des dépenses (procédures extraordinaires en particulier) et la gestion de la trésorerie. Il est essentiel de renforcer la position budgétaire et de mettre en œuvre la prochaine stratégie d'endettement à moyen terme pour préserver la viabilité de la dette. Des réformes de la gouvernance sont cruciales pour le climat des affaires et attirer le soutien des donateurs. Ces réformes visent à adopter une législation anti-corruption, à renforcer la Cour des comptes et l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF). Les objectifs de la réforme du marché des carburants sont présentés ci-dessous.

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Pourquoi la réforme du marché des carburants est-elle un élément essentiel du programme de la RCA avec le FMI, et quelles sont les recommandations du FMI dans ce domaine ?

La disponibilité de carburants à des prix raisonnables est essentielle pour les entreprises et les ménages, ainsi que pour les recettes publiques. Le bon fonctionnement du marché des carburants est essentiel car il a une incidence sur l'activité économique, le coût de la vie, la mobilisation des recettes intérieures, les finances publiques, et par conséquent la viabilité de la dette. La demande de financement du Fonds par le gouvernement s'inscrivait dans le contexte d'une crise majeure sur le marché des carburants. À l'époque, des pénuries prolongées de carburant avaient paralysé l'activité économique et provoqué un effondrement des recettes fiscales. Il n'est donc pas surprenant que la réforme du marché des carburants ait été un élément important des négociations entre le gouvernement et le FMI, entamées en novembre 2022 et conclues avec l’approbation du programme soutenu par la Facilité Élargie de Crédit (FEC) par le conseil d'administration du FMI en avril 2023. Par exemple, le programme fixe des objectifs trimestriels pour la collecte des recettes intérieures, qui ont plus de chances d’être atteints avec une meilleure collecte de fiscalité pétrolière.

Les discussions sur le secteur des carburants ont commencé au plus fort de la crise, en novembre 2022, lorsque les pénuries prolongées de carburant ont incité la contrebande à travers des contenants de fortune (futs, bidons, etc.) et provoqué des incendies dans de nombreux quartiers autour de Bangui. À la demande du gouvernement, le FMI a envoyé une mission d'assistance technique en février 2023 pour contribuer à l'élaboration d'un Plan d'Action de réformes ayant trois objectifs : i) accroître la transparence de la structure des prix des carburants, ii) améliorer la prévisibilité de la fiscalité pétrolière en plafonnant les marges d'importation (comme celles des distributeurs) et iii) centraliser les processus d'importation des carburants pour en garantir l'efficience et les économies d’échelle. Les principaux éléments du Plan d’Action comprenaient l’indexation de la structure de prix autour d'un prix de référence international (au lieu des déclarations des importateurs) et l'adoption d'un système d'enchères public et transparent pour les importations de carburant. En février dernier, les autorités ont sollicité une assistance technique de suivi pour revoir la nouvelle structure du marché des carburants, ce qui a abouti à une mise à jour du plan d'action et à la signature par le Président de la République du décret N°24.157 du 17 juin 2024, qui rend obligatoire la publication en ligne des structures de prix de manière transparente. Pourtant, sa mise en œuvre s'est heurtée à de nombreux défis que le gouvernement tente de résoudre.

Structures de prix téléchargeables : juin 2024, juillet 2024 , août 2024 , novembre 2024

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Dans le cadre du programme avec le FMI, les pays voisins ont dû réduire les subventions aux carburants et augmenter les prix à la pompe. Le FMI invite-t-il aussi la RCA à augmenter les prix à la pompe ?

Non, nous ne préconisons pas une augmentation des prix à la pompe. La situation en RCA est très différente de celle de ces pays. Non seulement les pays cités sont des exportateurs de pétrole, mais les prix à la pompe en RCA sont déjà plus élevés que dans tous ces pays et figurent parmi les plus élevés au monde. Le FMI probablement recommandera pour la RCA de baisser les prix à la pompe dès que la situation le permettra, c'est-à-dire lorsque les marges sur les importations seront ramenées à des niveaux raisonnables et que les recettes budgétaires auront augmenté sensiblement. Dans ce cas, ce ne serait pas la première fois que nous encourageons le gouvernement à réduire les prix à la pompe.

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Le fait d'avoir un importateur monopolistique de carburant est-il un problème pour le marché des carburants ? Les discussions en cours sur la composition actionnaire de la SOCASP font-elles partie du dialogue sur les politiques publiques mené dans le cadre du programme appuyé par le FMI ?

Avoir un monopole est une décision souveraine. L'important est que chaque acteur respecte la nouvelle structure des prix comme l'exige le décret présidentiel N°24.157, et plus généralement qu'il se conforme à toutes les lois et réglementations du secteur (avoir une licence d'importation et un enregistrement local, être contribuable, 80 % importé par le fleuve, etc.). Les recommandations du FMI visant à réparer le marché des carburants ont été conçues bien avant le nouveau monopole d'importation des carburants et sont toujours d'actualité. Les discussions en cours sur la composition actionnaire de la SOCASP ne font pas partie des recommandations de politique publique au titre du programme.

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Quel sera l'impact de ces réformes sur l'économie dans son ensemble et sur les services publics en RCA ?

Ces réformes devraient profiter aux entreprises et aux ménages, et renforcer les recettes publiques. Les réformes devraient permettre de stabiliser l'approvisionnement en carburants, de rendre le marché des carburants plus transparent, de réduire la dépendance à l'égard des importations informelles et d'accroître les recettes budgétaires. Crucialement, ces réformes devraient freiner la hausse des prix de l'énergie, réduire les coûts pour les entreprises et les ménages, et ainsi soutenir une croissance économique robuste. En outre, une augmentation des recettes tirées des importations de carburants permettra d'accroître l'espace budgétaire disponible pour couvrir les besoins essentiels en matière de dépenses sociales, assurer une meilleure lutte contre la fraude dans le secteur des carburants et accroître les investissements dans les infrastructures essentielles. L'amélioration de la gouvernance dans le secteur des carburants contribuera également à rendre le climat des affaires plus prévisible, ce qui favorisera la stabilité économique et la croissance.

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Quel est l'état actuel du marché des carburants en RCA ?

Le marché des carburants en RCA revient de loin depuis la crise de 2022. D'une part, l'approvisionnement en carburant s'est nettement amélioré, surtout cette année, et les pénuries ont pour l'essentiel disparu. En revanche, les prix des carburants à la pompe sont élevés (l'un des plus élevés au monde) tandis que les importations informelles de carburants continuent de prospérer. Par conséquent, la contribution de la fiscalité pétrolière aux recettes totales s'est effondrée, passant d'environ 20-25 % en 2020-21 à 9 % en 2024 selon nos estimations. En outre, la volatilité des recettes provenant de l’importation de carburants continue d’augmenter les tensions de trésorerie, ce qui a une incidence négative sur le financement du budget. Cette volatilité est principalement due au manque de stocks de sécurité à la suite des échecs répétés de la campagne fluviale, y compris cette année. La campagne fluviale devrait permettre à la RCA d'importer de grandes quantités de carburant et de réduire ses coûts en tirant parti d'économies d'échelle : historiquement, 80 % des importations de carburant transitaient par le fleuve Oubangui. Les importations qui transitent principalement par le corridor routier (Limbe-Bangui) sont inefficaces et accélèrent la détérioration du principal réseau routier. En résumé, bien que nous observions quelques améliorations, nous sommes encore très loin des performances historiques observées avant 2022.

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Pourquoi les recettes des carburants sont-elles restées faibles par rapport à leur niveau d'avant 2022, alors que les prix à la pompe sont en moyenne 40 % plus élevés ?

L'effondrement des recettes fiscales provenant du secteur des carburants s'explique principalement par quatre raisons. Premièrement, les volumes importés pour la consommation locale (hors sécurité) ont fortement diminué, en partie à cause des échecs successifs des campagnes fluviales. Deuxièmement, les prix élevés à la pompe ont favorisé la contrebande de carburant bon marché en provenance des pays voisins pour approvisionner le marché informel, ce qui a érodé la base d'imposition. Troisièmement, la pratique consistant à s'appuyer sur les déclarations de prix des importateurs pour les importations de carburant au lieu d’une règle prédéfinie d’indexation des prix à l’importation à un prix de référence international (prix Platts) ouvre la porte à d’importantes augmentations des marges d’exploitation. Les coûts d'importation ont ainsi augmenté et généré des pertes pour l’Etat (un montant négatif de « soutien / reversement de l'État », ce qui équivaut à une subvention aux consommateurs versée par l'État à l'importateur). Cette pratique a eu des effets particulièrement néfastes sur la fiscalité pétrolière depuis la crise de 2022. Quatrièmement, les changements majeurs intervenus dans la structure du marché, notamment l'entrée et la sortie de certains acteurs, ont entraîné des arriérés fiscaux considérables pour l'État.