Affiché le 3 mai 2011 par le blog du FMI - "iMFdirect"
À l'instar de beaucoup d'économistes, j'ai tendance à redouter le pire. Depuis une vingtaine d'années, je suis témoin des progrès phénoménaux de l'Afrique subsaharienne, mais une partie de moi-même continue à craindre qu'ils n'aient une fin.
Pourtant, plus j'observe les performances et les perspectives économiques de la région, plus je révise mon discours.
Les vieilles peurs se dissipent
Jusqu'à ce que ma dernière source d'inquiétude apparaisse il y a quelques mois (j'y reviendrai), je me préoccupais des retombées de la crise financière mondiale sur l'Afrique subsaharienne. La crise a frappé juste au moment où de nombreux pays de la région commençaient à recueillir les fruits de leurs efforts, traversant leur meilleure période de croissance depuis au moins les années 1970. Je ne voulais pas qu'elle y mette fin.
Les précédentes phases de ralentissement économique mondial avaient été durement ressenties dans la région. Alors qu'ailleurs les reprises avaient été plutôt rapides, en Afrique subsaharienne elles avaient tendance à traîner en longueur, se présentant souvent en forme de U, voire de L. Dans ces conditions, face à la pire conjoncture mondiale depuis deux générations, comment des économies encore fragiles allaient-elles s'en tirer?
Il est vite apparu que, cette fois, les choses seraient différentes et que mes craintes initiales étaient infondées. En l'occurrence, la reprise de la région est davantage en forme de V.
Le mérite en revient largement aux dirigeants. Beaucoup de pays ayant pratiqué une gestion macroéconomique saine avant la crise, ils étaient donc bien équipés pour traverser la tourmente. Cela leur a permis de mener des politiques monétaires et budgétaires résolument anticycliques.
La plupart des pays sont en passe de retrouver les taux de croissance antérieurs à la crise. Comme nous l'indiquons dans notre dernière édition des Perspectives économiques régionales, la production de l'Afrique subsaharienne devrait progresser de quelque 5½ % cette année et de 6 % en 2012.
Certes, la crise a eu des conséquences très graves. J'en veux pour preuve la perte de près d'un million d'emplois en Afrique du Sud. Ailleurs, la réalisation de l'Objectif du Millénaire pour le développement lié à la réduction de la pauvreté est également retardée.
Mais cela aurait pu être bien pire. Face au choc le plus brutal pour l'économie mondiale, de nombreux pays d'Afrique subsaharienne ont fait preuve d'une surprenante résilience.
Nouvelles sources de préoccupation
La dernière en date de mes inquiétudes est l'envolée récente des cours du pétrole et des produits alimentaires sur les marchés mondiaux.
En 2008, le renchérissement des matières premières alimentaires avait entraîné dans la plupart des pays africains une hausse rapide et importante des prix locaux.
Cette fois, la situation est jusqu'à présent plus contrastée. Dans un certain nombre de cas, l'abondance des récoltes a limité l'augmentation des prix locaux. Dans beaucoup d'autres, en revanche, les prix ont bondi, ce qui sera particulièrement préjudiciable aux populations urbaines pauvres et aux ménages ruraux dépourvus de terres.
La poussée des prix du pétrole va aussi mettre à l'épreuve la résilience qu'a montrée la région ces dernières années. Dans les 37 pays importateurs, elle va alourdir la facture pétrolière et, si l'augmentation des prix internationaux n'est pas rapidement répercutée sur les prix intérieurs, creuser les déficits budgétaires. En outre, elle va se traduire par une accélération de l'inflation dans toute la région.
Pour contribuer à maîtriser les perturbations que ce choc risque de provoquer, les pays doivent envisager une double riposte :
• Là où les prix de l'alimentation montent en flèche, les gouvernements doivent envisager des interventions ciblées – sous forme de transferts budgétaires aux ménages les plus défavorisés ou, de façon moins directe, en subventionnant les produits alimentaires qu'ils consomment.
• Toutefois, en ce qui concerne le pétrole, nous recommandons d'aligner les prix locaux sur les cours internationaux. Subventionner les produits pétroliers est souvent très régressif – l'essentiel des aides profite aux ménages les plus riches – et très onéreux.
Encore une fois, il est possible que je craigne le pire. Néanmoins, en voyant comment les pays ont réagi à la crise financière mondiale, je prends espoir; j'espère que l'on adoptera les mesures appropriées et qu'elles seront de nouveau efficaces. C'est un motif d'optimisme pour moi qui pratique une science taxée de pessimiste.