Le coût inégal de la hausse des températures : comment faire face dans les pays à faible revenu?

Par Sebastian Acevedo, Mico Mrkaic, Evgenia Pugacheva et Petia Topalova
27 septembre 2017

La température de la Terre augmente. Cela déterminera l’avenir économique des populations dans le monde entier. (Leolintang/iStock/GettyImages)

La température de la Terre augmente et son climat évolue. La hausse des températures déterminera l’avenir économique des pays et de leurs populations à travers le monde. Tous les pays ressentiront les effets négatifs directs du changement climatique non maîtrisé. Toutefois, comme le montrent nos travaux de recherche dans le chapitre 3 des Perspectives de l’économie mondiale d’octobre 2017, l’impact de la montée des températures ne sera pas le même partout et les principales victimes des conséquences néfastes seront les pays qui sont les moins armés pour y faire face, à savoir les pays à faible revenu.

La planète s’est réchauffée à un rythme sans précédent

Au cours des quarante dernières années, la température moyenne à la surface du globe a augmenté à un rythme sans précédent durant les 20.000 dernières années. La hausse des températures devrait se poursuivre à un rythme qui dépend énormément de notre capacité à limiter les émissions de gaz à effet de serre, qui constituent le principal facteur humain du réchauffement climatique. Les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les vagues de chaleur, les épisodes de sécheresse et les inondations, risquent de devenir plus fréquents et le niveau de la mer s’élèvera.

Les plus pauvres sont les plus durement touchés

Le réchauffement de la planète a des effets très inégaux selon les pays. Bien que les pays à faible revenu aient très peu contribué aux émissions de gaz à effet de serre, ils subiront de plein fouet les conséquences négatives de la hausse des températures puisqu’ils ont tendance à se situer dans certaines des régions les plus chaudes du globe.


L’analyse des tendances historiques dans 180 pays au cours des 65 dernières années fait apparaître une corrélation non linéaire entre température et croissance, ce qui confirme, sur la base de données plus vastes, les conclusions d'une étude de Burke, Hsiang et Miguel (2015). Cela signifie que, dans les pays dotés d’un climat relativement chaud, comme la plupart des pays à faible revenu, une montée de la température réduit la production par habitant de manière durable.

D’après nos estimations, une augmentation de 1 °C de la température dans un pays où la température annuelle moyenne s’élève à 25 °C, par exemple le Bangladesh, Haïti ou le Gabon, réduirait la production par habitant de 1,5 % au maximum et cette perte resterait d’actualité pendant au moins sept ans. Si aucune initiative n’est prise à l'échelle mondiale pour diminuer les émissions, la hausse prévue de la température provoquera une baisse de près d’un dixième de la production par habitant du pays à faible revenu médian d’ici à la fin du XXIsiècle par rapport à un scénario de température constante.

La montée des températures pèse sur l’activité économique dans les pays chauds à travers de nombreux circuits. Elle fait baisser la production agricole, réduit la productivité des travailleurs exposés à la chaleur, freine l’investissement et dégrade la santé. Actuellement, près de 60 % de la population mondiale vit dans des pays où une hausse de la température aura vraisemblablement des effets aussi négatifs. D'ici à la fin du XXIsiècle, ce chiffre devrait dépasser les trois quarts de la population mondiale.

Que peuvent donc faire ces pays pour réduire le coût économique de la montée de la température?

Des solutions nationales peuvent s’avérer utiles, mais elles ne suffisent pas

Des politiques et institutions nationales saines et le développement en général peuvent en partie atténuer les effets néfastes des chocs météorologiques. Même s’il est difficile d’établir un lien de causalité, notre analyse semble indiquer que les pays disposant d’une marge de manœuvre face à des chocs, par exemple une dette publique moins élevée et des taux de change souples, ont tendance à subir des pertes de production un peu moindres en cas de chocs de température à court terme.


De la même façon, les pays dotés de cadres d’action et d’institutions qui facilitent le déplacement de la main-d’œuvre et des capitaux entre les secteurs d’activité et les zones géographiques et qui encouragent globalement le développement — par exemple un meilleur accès au financement, des infrastructures de qualité et des institutions plus solides — ont tendance à se remettre un peu plus rapidement des chocs de température.

Des exemples de stratégies d’adaptation concluantes aux variations du climat ont aussi été observés. Ainsi, le Programme de filet de sécurité productif de l’Éthiopie associe une aide ciblée aux ménages concernés à des projets et programmes environnementaux et infrastructurels afin de diversifier les sources de revenu. L’adoption de technologies adaptées comme la climatisation peut limiter les conséquences de la montée des températures sur la productivité et la santé. L’investissement dans des infrastructures climato-intelligentes, à l’instar du tunnel «intelligent» à double usage de Kuala Lumpur, en Malaisie, peut aussi renforcer la résistance à divers risques météorologiques.

Une solution mondiale s’impose

Il sera cependant difficile pour de nombreux pays à faible revenu de mettre en place les bonnes politiques et de réaliser les investissements nécessaires pour faire face au changement climatique. Ces pays ont d’immenses besoins de dépenses et des ressources limitées.

Même une fois qu’elles ont été adoptées, les politiques nationales ne peuvent pas à elles seules protéger totalement ces pays des conséquences du changement climatique. La hausse des températures repoussera les limites biophysiques des écosystèmes, ce qui pourrait déclencher des catastrophes naturelles plus fréquentes et accroître les pressions migratoires et le risque de conflit. Les répercussions transfrontières de ces effets du changement climatique dans les pays vulnérables pourraient être très importantes et même les pays avancés n'en seront pas préservés.


La communauté internationale doit jouer un rôle majeur pour appuyer les initiatives prises par les pays à faible revenu afin de lutter contre le changement climatique. Les pays avancés et émergents sont les principaux responsables du réchauffement effectif et programmé. Par conséquent, aider les pays à faible revenu à faire face à ses conséquences est à la fois une obligation morale et une stratégie économique internationale judicieuse qui permet de compenser l’incapacité des pays à internaliser l’intégralité des coûts des émissions de gaz à effet de serre.

Le monde ressentira de plus en plus les effets négatifs directs du changement climatique non maîtrisé, sous la forme de catastrophes naturelles plus fréquentes, d’une élévation du niveau de la mer et d’une perte de biodiversité. Seule une initiative mondiale de limitation des émissions de carbone à des niveaux compatibles avec une augmentation de la température bien inférieure aux projections actuelles pourra réduire les risques à long terme. Le changement climatique ne menace pas que les pays à faible revenu : tous les pays sont en danger.
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Sebastian Acevedo est économiste au Département Hémisphère occidental du FMI, où il couvre l'Équateur. Au FMI, il a travaillé pendant six ans dans les Caraïbes, sur des questions liées aux catastrophes naturelles, à la croissance économique, à la productivité, au tourisme, à la dette et aux régimes de change. Ses travaux portaient en particulier sur les petites îles. Avant de rejoindre le FMI, M. Acevedo était chercheur et maître de conférences à la faculté d'économie et d'affaires internationales de l'Universidad EAFIT. Il est titulaire d'une licence en économie de l'Universidad EAFIT (Colombie), d'une maîtrise en commerce international et en coopération économique de l'Université Kyung Hee (République de Corée), d'une maîtrise en économie de l'Université de Georgetown et d'un doctorat en économie de l'Université George Washington.


Mico Mrkaic est économiste principal au Département des études du FMI. Il a auparavant travaillé au sein des départements Europe, Hémisphère occidental et Statistiques. Ses travaux portent actuellement sur l'impact économique du changement climatique, sur l'estimation du PIB potentiel au cours des cycles financiers et sur la productivité des PME. Il est titulaire d'un doctorat en économie et d'une maîtrise en physique de l'Université Carnegie Mellon.


Evgenia Pugacheva est assistante de recherche à la Division Études économiques mondiales du Département des études du FMI. Elle a travaillé sur des questions liées au commerce international, aux conflits, à la croissance et à la migration. Avant de rejoindre le FMI, elle a travaillé à la Banque mondiale.


Petia Topalova est Chef de division adjoint au Département des études du FMI. Elle a auparavant travaillé au sein des départements Europe et Asie et Pacifique du FMI, après avoir été assistante à la Harvard Kennedy School of Government. Elle est titulaire d'un doctorat en économie du MIT. Ses recherches portent sur le développement économique et le commerce international.



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