Une réforme des subventions s’impose en Algérie
Affiché le 31 août 2016 par - Akhbar AsundukPar Andrew Jewell
Le 31 août 2016
Début 2016, le gouvernement algérien a augmenté le prix de l’essence et d’autres produits énergétiques pour la première fois depuis 2005. Pour autant, malgré une hausse sensible de 34 %, l’essence algérienne figure toujours parmi les moins chères au monde : son prix est un peu plus élevé que celui de l’eau minérale. Et il se trouve qu’une essence bon marché profite surtout aux ménages aisés. Pourquoi cet état de fait est-il important? Parce que cela en dit long sur les subventions, leur manque d’équité et la nécessité de les réformer.
À l’instar de nombreux autres produits en Algérie, l’essence est fortement subventionnée. L’État s’appuie sur des subventions pour partager la richesse du pays en pétrole et en gaz avec ses citoyens. Si cet objectif est noble et si toutes les subventions ne sont pas néfastes, tenter de redistribuer les revenus au moyen de subventions non ciblées présente des désavantages. Une nouvelle étude du FMI examine les principaux inconvénients du système de subventions algérien et propose une autre solution pour venir en aide aux personnes vulnérables.
Les principaux inconvénients
En Algérie, la plupart des subventions profite davantage aux riches qu’aux pauvres. Le graphique ci-dessous le démontre très bien. Les 20 % d’Algériens les plus riches consomment six fois plus de carburant que les 20 % les plus pauvres. Cela n’est guère surprenant sachant que les personnes fortunées ont tendance à conduire davantage. Cela signifie que les subventions aux carburants sont régressives : plus vous êtes riche, plus vous en bénéficiez. De nombreuses autres subventions sont régressives en Algérie, à des degrés divers. À titre d’exemple, les subventions à l’électricité profitent aussi de manière disproportionnée aux riches, qui sont plus susceptibles d’être raccordés au réseau électrique national et possèdent des maisons plus grandes équipées de la climatisation.
Certaines subventions présentent d’autres gros inconvénients. Ainsi, les prix bas de l’énergie ont entraîné une progression rapide de la consommation d’énergie dans le pays. Par conséquent, l’Algérie exporte moins de pétrole et de gaz, ce qui provoque une diminution des recettes budgétaires et une aggravation de la pollution et des embouteillages locaux. Les fortes subventions à certains produits encouragent aussi la contrebande vers les pays voisins.
Enfin, les subventions ont un coût élevé en Algérie, ce qui s’avère d’autant plus problématique à une période où le pays enregistre des déficits budgétaires record à la suite de la chute des cours pétroliers mondiaux. Les services du FMI estiment que les subventions ont coûté aux pouvoirs publics environ 14 % du PIB en 2015, soit pratiquement autant que le déficit budgétaire lui-même et le double des budgets cumulés des ministères de la Santé et de l’Éducation. Les subventions à l’énergie régressives sont à l’origine de plus de la moitié de ce coût.
En résumé, le système de subventions algérien ne permet pas d’aider efficacement les pauvres, crée des distorsions qui sont préjudiciables à l’économie et à l’environnement et évince d’autres dépenses importantes. Quelle meilleure réponse le pays peut-il apporter?
Une meilleure voie à suivre
Les services du FMI recommandent à l’Algérie de supprimer par étapes l’essentiel de ses subventions généralisées et de les remplacer par un programme de transferts monétaires ciblant précisément les ménages à faible revenu. Des transferts monétaires ciblés se révèleraient plus efficaces pour protéger les pauvres et moins onéreux que les subventions. L’État pourrait ainsi consacrer davantage de dépenses aux infrastructures, à l’éducation et à la santé par exemple, ce qui pourrait stimuler la croissance et l’emploi.
La suppression progressive des subventions généralisées ne sera pas une tâche facile. La réforme devrait être soigneusement préparée et présentée à la population. Les dirigeants doivent parvenir à un consensus sur les modalités de la répartition du poids de l’ajustement entre les citoyens. La suppression des subventions devrait aller de pair avec la mise en place de mesures de compensation destinées à protéger les pauvres. Pour éviter un dérapage de la réforme, il faudrait créer un mécanisme de fixation des prix dépolitisé et fondé sur des règles, par exemple en corrélant systématiquement les prix intérieurs des produits énergétiques aux cours mondiaux. Il s’agit de véritables défis mais l’expérience d’autres pays semble indiquer qu’une réforme des subventions est faisable et utile. En effet, de nombreux pays de la région ont déjà bien commencé à réformer leurs systèmes de subventions et des données empiriques montrent qu’une telle réforme se traduit par une plus grande équité et, à terme, par une croissance plus soutenue et mieux partagée.
En augmentant les prix de l’énergie, les pouvoirs publics ont pris une première mesure courageuse. Mais il reste encore beaucoup à faire avant de trouver une solution plus juste et plus efficace pour venir en aide aux personnes vulnérables.
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Andrew Jewell est Économiste principal au Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, où il travaille sur l’Algérie. Auparavant, il s’est penché sur les problèmes d’endettement dans les pays à faible revenu. Avant de rejoindre le FMI, il a travaillé pendant dix ans en tant qu’économiste au Trésor des États-Unis et pendant trois ans comme analyste financier à la Banque de réserve fédérale de New York. Il est titulaire d’une maîtrise de relations internationales et d’économie de l’École d’études internationales avancées de l’Université Johns Hopkins.