Rencontre avec Jean-François Dauphin, Chef de mission du FMI pour l'Algérie
Affiché le 9 août 2016 par - http://blog-montada.imf.orgDans le deuxième blog de notre série, Jean-François Dauphin, Chef de mission pour l’Algérie et Chef de la division Maghreb du Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, nous fait part de son expérience de travail en Algérie et de son récent voyage dans ce pays en juillet 2016.
L’économie algérienne aborde un tournant décisif. Depuis le milieu de l’année 2014, le repli des cours du pétrole fait craindre pour les perspectives économiques de cette nation tributaire de l’or noir. Pour mieux saisir les effets de ce choc, il faut se rappeler que le secteur des hydrocarbures a représenté plus de 95 % des exportations, deux tiers des recettes budgétaires, et un tiers du PIB. Heureusement, le pays avait des volants de sécurité en place, sous forme d’épargne budgétaire, de réserves internationales, et d’un faible niveau d’endettement, ce qui lui a permis dans un premier temps d’absorber le choc. En outre, les autorités ont commencé à mettre en œuvre un certain nombre de réformes, en instaurant notamment une diminution progressive des subventions énergétiques coûteuses et inéquitables, en améliorant le climat des affaires, et en adoptant un nouveau code des investissements. Mais le pays peut encore réduire sa dépendance à l’égard des recettes pétrolières et diversifier son économie.
Mon rôle en tant que Chef de mission
Comment le FMI peut-il donc aider l’Algérie à faire face à ce choc et à préserver la stabilité macroéconomique ? En tant que Chef de mission, je dirige l’équipe à la fois au siège et lors de nos visites dans le pays, où nous faisons le point des dernières évolutions, évaluons les perspectives économiques, et prodiguons nos conseils de politique économique. Pour atteindre ces objectifs, nous rencontrons un vaste éventail de parties prenantes avec qui nous dialoguons dans le but d’élaborer des recommandations efficaces.
Lors d’un récent voyage dans le pays en juillet 2016, nous avons rencontré un grand nombre d’interlocuteurs, notamment des Ministères des Finances, du Commerce, de l’Industrie, de l’Énergie, de la Banque centrale, ainsi que des représentants du plus grand syndicat du pays et de la principale association d’entreprises, afin d’analyser ensemble les moyens par lesquels l’Algérie peut refaçonner son économie, pour créer davantage d’emplois et favoriser une croissance inclusive.
Il est primordial que notre équipe rencontre le plus grand nombre possible d’interlocuteurs, de façon à nous assurer que nous percevons bien les problématiques complexes et multiples du pays sous tous leurs grands angles. Le conseil le plus important que nous avons prodigué aux autorités lors de notre récent voyage est que, même si l’adaptation à ce choc est difficile, non seulement elle est nécessaire, mais elle constitue aussi une occasion de promouvoir un modèle de croissance plus pérenne. Cet aménagement doit reposer sur deux piliers : le premier est un rééquilibrage budgétaire, visant à rétablir la santé de l’économie en résorbant les déficits public et extérieur, et le deuxième consiste en de vastes réformes structurelles, des mesures qui contribuent à libérer le potentiel du secteur privé, à diversifier l’économie, et à favoriser durablement une plus forte croissance et davantage d’emplois.
Pour entrer dans les détails, à partir de notre évaluation et de nos récentes rencontres avec les autorités, voici nos 5 grandes suggestions pour doper les perspectives de croissance de l’Algérie :
- Améliorer le climat des affaires en allégeant les lourdeurs bureaucratiques,
- Renforcer la gouvernance économique, la transparence, et la concurrence,
- Améliorer l’accès au financement et développer les marchés de capitaux,
- Ouvrir l’économie aux échanges commerciaux et aux investissements étrangers,
- Améliorer le fonctionnement du marché du travail tout en assurant la protection appropriée des travailleurs, et garantir la bonne adéquation entre les qualifications assurées par les systèmes d’enseignement général et professionnel, et les compétences recherchées par les entreprises.
L’avenir
Comme je l’ai déjà mentionné, nous venons de rentrer d’un voyage en Algérie en juillet 2016 au cours duquel nous avons eu de fructueux entretiens avec les autorités et autres parties prenantes de l’économie algérienne. Le pays a devant lui une occasion exceptionnelle de se concentrer sur la mise en œuvre de ces réformes essentielles et de refaçonner ainsi son économie sur un modèle plus pérenne, plutôt que de rester tributaire de réserves pétrolières qui risquent d’être épuisées d’ici vingt ans. Dans le cadre de mon travail au FMI depuis de longues années, j’ai eu la chance de participer à des missions en Asie, en Amérique centrale, en Europe de l’Est et en Afrique, outre celles au Maghreb. Lorsque j’ai pris mes fonctions de Chef de mission pour l’Algérie, il y a un peu plus d’un an, j’ai été frappé par la beauté de ce pays. En voyant les navires passer par le port d’Alger, j’ai compris à quel point ce pays mérite d’être découvert, pour expérimenter la richesse de sa culture, la splendeur de son architecture et la beauté de ses paysages. Mais pour cela, il faut les bonnes incitations et un climat propice au développement du secteur privé. Les autorités sont parfaitement conscientes de la nécessité de cette évolution et ont très récemment adopté une stratégie pour recadrer le modèle de croissance du pays. Notre objectif est de les aider dans cette voie.
Un nouveau blog sur l’Algérie et la réforme des subventions énergétiques sera affiché dans les prochaines semaines.
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Jean-François Dauphin dirige la division Maghreb du Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI. Il est aujourd’hui chef de mission pour l'Algérie, après avoir été chef de mission pour le Maroc. M. Dauphin travaille depuis 16 ans au FMI où il a participé aux opérations dans de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique centrale, et d’Europe de l’Est. Il a également contribué à l’élaboration des politiques du FMI lorsqu’il travaillait dans son Département de la stratégie, des politiques, et de l’évaluation. Il est diplômé de l’École Nationale de la Statistique et de l’Administration Économique de Paris, et de la «London School of Economics». Avant de rejoindre le FMI, M. Dauphin a travaillé dans le secteur privé, pour la Banque de France, et a enseigné l’économie en France et en Afrique.