La croissance : volet incontournable du dispositif de lutte contre le chômage
Davide Furceri et Prakash Loungani19 novembre 2014
Le chômage est un problème mondial. Si les sans-emplois formaient une nation, elle serait la cinquième la plus peuplée de la planète. Sur les près de 200 millions de chômeurs de par le monde, la moitié vivent dans des pays émergents et près d’un quart dans des pays avancés, ce qui traduit le poids grandissant des économies émergentes dans la population active mondiale (graphique 1).
Que peut-on faire pour réduire le chômage? S’agissant des pays avancés, les économistes préconisent depuis longtemps un remède simple : plus de croissance. En effet, dans la plupart de ces pays le lien entre croissance de la production et création d’emplois est relativement solide. Cependant, dans le cas des pays émergents, il existe une idée largement répandue selon laquelle le chômage tient à de profonds problèmes structurels que la croissance à elle seule ne saurait résoudre. Mais que nous dit l’expérience quant au rôle de la croissance comme vecteur de création d’emplois dans les pays émergents et en développement?
Dans de récents travaux (réalisés conjointement avec Laurence Ball et Daniel Leigh), nous offrons une réponse pour un groupe d’environ 80 pays, comprenant notamment les membres du G-20. Nous concluons de manière générale que le lien entre croissance et emploi est clairement observable dans un certain nombre de pays émergents. Dans les pays pionniers et dans d’autres pays en développement le lien est beaucoup plus ténu.
La croissance est porteuse d’emploi dans beaucoup de pays
Le graphique 2 résume nos observations. Il illustre le binôme croissance-emploi à partir de deux mesures différentes de l’état du marché du travail : le taux de chômage et le taux de croissance de l’emploi. La plage de gauche montre qu’en moyenne dans les pays avancés chaque point de croissance du PIB supplémentaire se traduit par une réduction du chômage d’un tiers de point. Ce lien est presque aussi solide dans les pays émergents : en moyenne, un point de plus de croissance de la production réduit le chômage de ¼ de point.
Dans le même ordre d’idées, la plage de droite du graphique 2 montre que l’effet de la croissance de la production sur l’emploi est plus marqué dans les pays avancés et dans les pays émergents que dans les autres groupes de pays. Par exemple, dans les pays émergents, en moyenne, un point de croissance de la production ajoute 0,2 point à la croissance de l’emploi.
Lors du récent Sommet des dirigeants du G-20, les pays membres ont traité de leurs plans pour doper la croissance durant les années à venir. À partir de nos travaux, il est possible d’estimer dans quelle mesure ce complément de croissance peut créer des emplois dans chaque pays. Comme le montre le graphique 3, pour la majorité des membres du G-20, le lien historique entre croissance et emploi est solide, allant de 0,6 dans le cas des États-Unis,
à environ 0,2 dans celui de la Russie.
Doper la croissance
Les faits montrent qu’une croissance plus forte permet de recréer des emplois dans beaucoup de pays, aussi est-il est logique de se demander ce que va rapporter ce complément de croissance.
Comme le note la dernière édition des Perspectives de l’économie mondiale du FMI, il faut «continuer de soutenir la demande intérieure, et adopter des politiques économiques et des réformes qui peuvent accroître l’offre». Sans politiques d’accompagnement de la demande, les mesures liées à l’offre risquent de n’avoir que très peu d’effet dans le court terme. Si les entreprises ne voient pas d’améliorations dans leurs perspectives de chiffre d’affaires, elles n’augmenteront pas leurs capacités. Il est donc essentiel de veiller à ce que la demande soit au rendez-vous pour pouvoir entretenir l’offre. Mais sans mesures propices à l’offre, les gains de production fondés exclusivement sur la relance de la demande se révéleront éphémères.
Concrètement, quelles politiques faudrait-il adopter? De manière générale, dans les pays avancés la politique monétaire devrait continuer d’accompagner la reprise de la demande. Il faut que l’ajustement budgétaire, dont la cadence et la composition doivent s’aligner sur les besoins particuliers des pays, soit propice à la croissance dans toute la mesure du possible. Les pays émergents connaissent un ralentissement par rapport aux taux de croissance d’avant-crise. Ils doivent avant tout s’attaquer aux problèmes structurels sous-jacents, lesquels varient d’un pays à l’autre, depuis la suppression des goulots d’étranglement dans le secteur de l’électricité jusqu’aux réformes des marchés du travail et des produits.
Dans beaucoup de pays de solides arguments existent en faveur d’une augmentation de l’investissement dans les infrastructures publiques, pour donner un coup de fouet fort nécessaire à la demande à court terme et contribuer également à nourrir l’offre (autrement dit, la production potentielle) à plus long terme.
Conclusion
Il ressort de nos études que la croissance peut contribuer à la création d’emplois, encore que l’effet varie considérablement d’un pays émergent à l’autre, comme dans le cas des pays avancés. La croissance n’est certes pas une panacée, mais elle est un élément incontournable du dispositif de lutte contre le chômage.