Les perspectives économiques de l'Europe
Par Reza MoghadamAffiché le 11 avril 2014 par le blog du FMI - iMFdirect
La croissance économique reprend lentement dans toute l’Europe : c’est une bonne nouvelle, mais la reprise reste modeste et il est important de prendre des mesures pour stimuler la croissance et créer des emplois.
Europe occidentale : accélérer le mouvement
La reprise prévue en octobre dernier pour la zone euro s’est affermie. Nos prévisions révisées en témoignent : la prévision de 2014 pour la zone euro est en hausse, de 1 % en octobre dernier à 1,2 % aujourd’hui, avec des révisions à la hausse importantes dans des pays comme l’Espagne. Ces révisions s’expliquent par les données plus positives qui font suite aux mesures prises par les pouvoirs publics, le regain de confiance des investisseurs et le relâchement de l’effet de freinage exercé par le rééquilibrage budgétaire. Les effets positifs sur les pays appliquant un programme sont palpables : une amélioration économique, une baisse des marges et des signes d’accès aux marchés. Nous avons observé aussi une accélération encourageante de la croissance britannique (une croissance de près de 3 % est attendue pour 2014).
Si l’amélioration des perspectives de croissance et de l’état d’esprit des opérateurs de marché est appréciée, il reste beaucoup à faire pour consolider et accélérer le rythme de la reprise, entre autres parce que l’emploi reste par trop élevé dans trop de pays. Malheureusement, les vents contraires sont nombreux dans la zone euro. Nous avons souligné précédemment le rôle du surendettement des entreprises et des ménages, de la fragmentation des marchés financiers et de l’incertitude qui entoure l’action des pouvoirs publics. Des mesures sont prises dans tous ces domaines, tant au niveau des pays qu’au niveau de l’Europe, et celles qui sont prises en vue de l’établissement d’une union bancaire (autorité de contrôle unique, examen de la qualité des actifs et tests de résistance) sont particulièrement importantes pour veiller à ce que les fonds propres des banques soient adéquats et à ce que les marchés retrouvent la confiance.
Plus récemment, nous avons souligné le rôle de la «basse-flation”, c’est-à-dire un niveau d’inflation nettement et durablement inférieur à l’objectif de 2 % fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour le moyen terme. Une inflation qui reste basse fait pression sur les débiteurs, les taux débiteurs réels, l’ajustement des prix relatifs et l’emploi. Nous notons avec satisfaction que la BCE prête attention à ce risque : elle a déclaré récemment qu’elle envisageait de prendre des mesures supplémentaires, y compris des mesures non conventionnelles qui ne s’écartent pas de sa mission.
Je tiens aussi à souligner le rôle que les réformes structurelles peuvent jouer pour relancer la croissance à long terme, qui a souffert de plusieurs années de sous-investissement et de chômage. C’est le sujet du livre que nous venons de publier sur le thème de l’emploi et de la croissance en Europe (Jobs and Growth: Supporting the European Recovery). Au-delà de l’action à court terme sur le plan du soutien de la politique macroéconomique et de l’approfondissement de l’intégration en Europe, le livre met l’accent sur trois priorités à moyen terme : réduire les niveaux élevés de la dette publique et privée ; opérer des réformes sur les marchés de produits et du travail, et tirer parti des nouvelles possibilités de croissance en innovant et en poursuivant l’intégration dans les chaînes logistiques mondiales.
Pays émergents d’Europe : renforcer la politique économique
Dans la plupart des pays d’Europe centrale, orientale et du Sud-Est, la croissance reprend dans le sillage de la reprise dans la zone euro, mais la croissance régionale sera freinée —nous l’avons révisée à la baisse depuis octobre dernier — par la contraction attendue en Ukraine et le ralentissement en Russie et en Turquie. En outre, les conditions de financement extérieur sont devenues plus difficiles. Même avant que les troubles éclatent en Ukraine, nous avions observé que les flux de capitaux dans la région avaient commencé à s’inverser : les flux des investissements de portefeuille étaient devenus négatifs à la fin de 2013 (cela s’ajoute au désendettement des banques dans la région). À court terme, ces forces compenseront — elles feront peut-être même plus que compenser — les vents arrières de la reprise dans la zone euro.
Bien que l’inversion des flux de capitaux ait touché la plupart des pays émergents, les pays dont les cadres d’action et les paramètres économiques fondamentaux sont plus solides ont été moins affectés. Il est donc nécessaire de renforcer les politiques économiques. Les pays disposant d’une certaine flexibilité sur le plan du taux de change et de la politique monétaire doivent continuer à l’utiliser comme première ligne de défense face à la volatilité. Tous les pays, surtout ceux dont les paramètres économiques fondamentaux sont plus faibles, doivent s’attaquer aux problèmes dont ils ont hérité et à ceux exposés par la crise : des faiblesses structurelles qui freinent la croissance et maintiennent le chômage à un niveau élevé, des prêts improductifs qui paralysent le crédit et des marges de manœuvre budgétaires qui sont épuisées.
Ukraine
Enfin, un mot sur l’Ukraine, où nous nous trouvons face à la confluence très difficile d’une crise géopolitique et d’une crise économique. Les autorités se montrent remarquablement à la hauteur de la situation, en prenant des mesures sans précédent pour s’attaquer non seulement à des problèmes immédiats, mais aussi à des problèmes chroniques :
• assurer la flexibilité du taux de change et la compétitivité ;
• stabiliser le système financier et la confiance dans les banques ;
• réduire progressivement le déficit budgétaire ;
• ajuster les prix de l’énergie, qui se situent bien en deçà des prix mondiaux (avec des garde-fous pour les populations pauvres);
• exécuter des réformes plus vastes pour combattre la corruption, ainsi qu’améliorer la gouvernance et le climat des affaires.
Il reste du travail à accomplir pour parachever certaines mesures et veiller à ce que le programme soit financé. Si tout va bien, nous prévoyons que notre Conseil d’administration examinera le programme fin avril ou début mai.
Voir webémission de la conférence de presse sur l’Europe.
BIOGRAPHIE :
Reza Moghadam est Directeur du Département Europe. Auparavant, il fut à la tête du bureau du Directeur général du FMI, puis Directeur du Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation. Il a travaillé dans un large éventail de domaines (stratégie, politique générale, pays et administration), et a occupé des postes d’encadrement au Département Europe et au Département Asie et Pacifique du FMI.