La reprise se renforce, mais il reste beaucoup à faire

Par Olivier Blanchard, Conseiller économique et Directeur, Département des études, FMI
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Le 21 janvier 2014

Je voudrais tout d’abord évoquer la mémoire de notre collègue Wabel Abdallah, qui était le représentant résident du FMI en Afghanistan et qui, comme beaucoup d’entre vous le savent, a été tué dans un attentat terroriste survenu à Kaboul vendredi dernier. Nous déplorons le décès d’un collègue, d’un ami pour beaucoup d’entre nous, et surtout d’un fonctionnaire dévoué qui représentait tout ce que le FMI a de mieux à offrir et qui a perdu la vie dans l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire en aidant le peuple afghan. Nos pensées vont à sa famille et à celles des nombreuses victimes de cet attentat insensé.

Passons maintenant à notre mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale et à ses trois principaux messages :

Premièrement, la reprise se renforce. Selon nos prévisions, le taux de croissance mondial passera de 3 % en 2013 à 3,7 % en 2014. La croissance des économies avancées atteindra 2,2 % en 2014 après avoir été de 1,3 % en 2013. Enfin, nous prévoyons une accélération de la croissance dans les pays émergents et en développement, qui passera de 4,7 % en 2013 à 5,1 % en 2014.

Deuxièmement, cette reprise était largement attendue. Nous n’avons révisé nos prévisions pour la croissance mondiale en 2014 que de 0,1 % par rapport à octobre. Le renforcement de la reprise s’explique essentiellement par le fait que les éléments qui lui faisaient obstacle se résorbent peu à peu. L’effet de freinage du rééquilibrage budgétaire diminue. Le système financier se remet lentement. L’incertitude recule.

Troisièmement, la reprise reste faible et inégale. Parmi les économies avancées, elle est plus vigoureuse aux États-Unis qu’en Europe et dans le noyau de la zone euro qu’en Europe méridionale. Dans la plupart des économies avancées, le chômage demeure beaucoup trop élevé. Et il subsiste des aléas négatifs.

Tour d’horizon

Ces remarques générales étant faites, je vous propose un rapide tour du monde.

États-Unis : Aux États-Unis, la croissance économique apparaît de plus en plus solide. La demande privée est forte. À la suite de l’accord budgétaire de décembre, le rééquilibrage des finances publiques, qui a pesé sur la croissance en 2013, aura un effet plus limité en 2014. Ces facteurs nous conduisent à prévoir 2,8 % de croissance pour 2014, contre 1,9 % en 2013. La politique monétaire reste très accommodante, mais l’accent est mis de plus en plus sur le retrait des mesures monétaires non conventionnelles, et nous pensons que le taux directeur augmentera en 2015.

Japon : Le Japon a enregistré un taux de croissance de 1,7 % en 2013 et nous prévoyons qu’il en sera de même en 2014. C’est une bonne nouvelle. Mais cette croissance est attribuable pour une large part aux mesures de relance budgétaire et aux exportations. Pour que la croissance soit soutenue, il faut que la consommation et l’investissement prennent le relais. De plus, le gouvernement japonais restera confronté à la difficile tâche de procéder à un rééquilibrage suffisant des finances publiques pour rassurer les détenteurs d’instruments de dette, et de le faire sans ralentir la reprise.

Europe : Les conditions sont de plus en plus favorables au Royaume-Uni et dans le noyau de la zone euro. Les dettes publiques suivent des trajectoires soutenables et, comme cela est souhaitable, le rythme du rééquilibrage budgétaire se ralentit. Les conditions de crédit sont favorables. Cela nous conduit à prévoir une croissance de 2,4 % pour le Royaume-Uni, de 1,6 % pour l’Allemagne et de 0,9 % seulement pour la France, où la confiance est encore faible.

Europe méridionale : L’Europe méridionale demeure la composante relativement plus préoccupante de l’économie mondiale. Nous prévoyons une croissance positive pour 2014, mais cette croissance est fragile. D’une part, les exportations sont dynamiques, mais, d’autre part, la demande intérieure est faible, et car elle pâtit des interactions entre une activité atone, des banques fragiles, des entreprises en difficulté et la nécessité de rééquilibrer les finances publiques. Pour assurer une croissance soutenue, il faudra mettre fin à ces interactions et s’appuyer à la fois sur la demande extérieure et la demande intérieure.

Pays émergents et en développement : Nous prévoyons que, même si elle sera inférieure aux niveaux atteints par le passé, la croissance économique des pays émergents et en développement, restera élevée. D’une part, ces pays bénéficieront de l’accélération de la croissance dans les pays avancés. D’autre part, avec la normalisation de la politique monétaire aux États-Unis, ils se heurteront à un durcissement des conditions financières. Nous pensons que, dans la plupart de ces pays, le premier effet l’emportera sur le second. Sur le plan intérieur, c’est peut-être la Chine qui connaîtra la plus grande difficulté, puisqu’elle devra contenir l’accumulation de risques dans le secteur financier sans trop ralentir la croissance, entreprise délicate s’il en est.

Risques pesant sur les perspectives

Premièrement, à mesure que la reprise se confirmera dans les économies avancées, l’un des principaux défis consistera à normaliser la politique monétaire. Même si une partie de cette normalisation attendue est déjà prise en compte dans les taux longs et les taux de change, nous pouvons nous attendre à des mouvements de capitaux complexes et parfois perturbateurs entre les pays pendant un certain temps. Dans cet environnement, les données de l’année passée amènent à conclure que les pays émergents dont les cadres macroéconomiques sont relativement fragiles pourraient être les plus touchés. Ce dont nous avons besoin pour atténuer ce risque est à la fois une communication claire de la part des banques centrales des économies avancées et des politiques économiques plus solides dans les pays émergents soumis à des tensions.

Deuxièmement, bien que nos prévisions de référence fassent état d’une inflation faible mais positive dans la zone euro, le risque existe que l’inflation fasse place à la déflation. Le chiffre zéro — point auquel l’inflation se transforme en déflation — n’a rien de magique. Mais plus le taux d’inflation est bas, et a fortiori plus le taux de déflation est élevé, plus cela est dangereux pour la reprise de la zone euro. Qui dit déflation, dit hausse des taux d’intérêt réels, augmentation des dettes publiques et privées, baisse de la demande, baisse de la croissance et risque d’accentuation de la déflation. Pour éviter ce risque, l’application d’une politique monétaire accommodante par la BCE reste essentielle, tout comme l’est le renforcement des bilans des banques. À cet égard, l’évaluation des bilans et les tests de résistance en cours pourraient être ce que la zone euro a de plus important à faire à court terme. Bref, la reprise se renforce bien, mais il reste beaucoup à faire.



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