Des étapes importantes sur le front budgétaire : progrès, lassitude et perspectives
Carlo Cottarelli, Directeur, Département des finances publiques, FMIPublié 16 avril 2013 par le blog du FMI - "iMFdirect"
La crise financière mondiale de 2008-09 a porté les ratios d'endettement public des pays avancés à des niveaux sans précédent en temps de paix. Ces dettes élevées exposent les pays à une perte de confiance des marchés et, en fin de compte, nuisent aux perspectives de croissance à long terme. Depuis 2010, les pays avancés s'emploient donc à ramener leurs finances publiques en terrain plus sûr. C'est une entreprise de longue haleine : pour corriger les déséquilibres budgétaires considérables qui ont été provoqués par la crise, sans faire dérailler une reprise encore fragile, l'ajustement doit être continu et progressif, au moins pour les pays qui ne sont pas soumis à la pression des marchés.
Cette année, nous constatons que cet ajustement progressif a atteint deux étapes symboliques. Premièrement, le déficit moyen des pays avancés, en pourcentage du PIB, atteindra la moitié de son niveau de 2009, au pic de la crise. Deuxièmement, le ratio d'endettement moyen cessera d'augmenter pour la première fois depuis 2007. En fait, il diminuera légèrement.
Une tâche ardue
Bien entendu, le déficit moyen reste élevé (plus de 4 1/2 % du PIB), et la stabilisation du ratio dette publique/PIB (aux environs de 110 % du PIB en moyenne) ne semble peut-être pas constituer un progrès considérable. Mais il ne faut pas sous-estimer ce résultat.
Tout d'abord, il est obtenu alors que la croissance est lente depuis un certain temps. Le ralentissement de la croissance masque une partie de l'impact de l'ajustement budgétaire sur le budget, car les facteurs cycliques gonflent temporairement les ratios du déficit et de la dette au PIB. Ensuite, une réduction de moitié du déficit ne signifie pas que la moitié du travail est accomplie. En fait, la plupart des pays avancés en ont fait davantage, car pour la majorité d'entre eux, l'objectif final n'est pas un budget équilibré. Les pays qui affichent déjà une dette relativement faible peuvent très bien se satisfaire d'un léger déficit à moyen terme.
Il n'a pas été facile d'en arriver là : on ne peut nier que l'ajustement budgétaire a freiné la reprise et la croissance, et a contribué à maintenir les taux de chômage à des niveaux élevés. En fait, les rigueurs de l'ajustement ont causé des dégâts et une certaine lassitude apparaît dans certains pays.
Si on laisse de côté quelques pays relativement petits, les déséquilibres budgétaires restent élevés dans 10 pays : États-Unis, Japon, Royaume-Uni et sept pays membres de la zone euro (France, Italie, Espagne, Belgique, Portugal, Grèce et Irlande). Ces pays continuent d'afficher une dette brute qui dépasse 90 % du PIB et qui augmente, quoique à des vitesses différentes. La bonne nouvelle à propos de ce groupe, c'est qu'il n'inclut que 10 pays ; la mauvaise nouvelle, c'est que ces pays représentent environ 40 % du PIB mondial. Leur politique budgétaire est donc très importante pour le monde entier.
Une question de position
Il est à noter à cet égard qu'ils ne sont pas tous aussi éloignés d'une bonne santé budgétaire. Le Moniteur des finances publiques révise le calcul de l'ajustement budgétaire qui est nécessaire pour ramener le ratio d'endettement public à un niveau plus gérable à plus long terme. La France et la Belgique ont encore du chemin à parcourir sur le plan de l'ajustement, mais ils ne sont pas trop loin du solde fixé comme objectif. Les autres pays sont confrontés à une tâche plus difficile : le Japon est manifestement un cas extrême tant pour ce qui est de l'ampleur de l'ajustement nécessaire que du niveau auquel le solde primaire devrait être maintenu à plus long terme. L'Italie est dans une position unique : elle dégage presque un solde primaire (recettes moins dépenses hors charges d'intérêts) qui placera résolument son ratio d'endettement sur une trajectoire à la baisse, mais ce niveau est assez élevé ; en fait, il est le plus élevé après celui du Japon.
En moyenne, le solde primaire que ce groupe de pays devra maintenir pendant la période 2020-30 (il s'agira de converger progressivement vers ce niveau) se situe entre 3¾ et 5¼ %, en fonction des hypothèses pour les taux d'intérêt et la croissance. Qu’est-ce que cela signifie par rapport aux chiffres du passé ? Encore une fois, le Moniteur des finances publiques fournit des données utiles. Il examine le solde primaire le plus élevé jamais dégagé par les pays avancés sur une période de 10 ans et note que la médiane de la distribution de ces soldes primaires est d'environ 3¼ % du PIB, donc un chiffre au-dessous de la fourchette susmentionnée, mais pas de beaucoup. En outre, dans le passé, il était moins nécessaire de maintenir des soldes budgétaires élevés, parce que la dette publique était plus faible.
Pas de raccourci
Il est donc manifestement possible de réduire les ratios d'endettement à des niveaux plus appropriés en dégageant puis en maintenant des excédents primaires élevés. Mais c'est loin d'être une tâche facile. Y a-t-il des raccourcis que les pays pourraient prendre ? Malheureusement, il n'y a pas de solution facile. Le prélèvement inflationniste exigerait probablement des taux d'inflation assez élevés pour avoir un effet majeur sur les ratios d'endettement public. Imposer les détenteurs d'obligations par le biais d'une restructuration de la dette ne peut pas vraiment remplacer le durcissement budgétaire, car les obligations sont en grande partie détenues à l'intérieur du pays, en particulier dans beaucoup de pays avancés. Au total, le conseil du FMI reste le suivant : ne pas abandonner et continuer d'avancer à un rythme constant. Et rester hydraté, avec beaucoup de liquidités. En d'autres termes, il faut maintenir une politique monétaire souple : ce sera bon pour l'économie, ce sera bon pour les comptes budgétaires et cela ne nuira pas à la crédibilité de la politique monétaire si cela n'est pas considéré comme un remplacement mais bien comme un complément de l'ajustement budgétaire.
Les pays suivent-ils ce conseil en 2013 ? Dans l'ensemble, oui. Compte tenu de l'ampleur des déséquilibres existants et des contraintes de financement, l'ajustement budgétaire dans les pays avancés se poursuit à un rythme approprié, à quelques exceptions près. D'une part, le Japon agit trop lentement : les mesures de relance maintiendront le déficit aux environs de 10 % du PIB, ce qui accroît les risques budgétaires à moyen terme dans le pays. D'autre part, l'ajustement est un peu trop rapide aux États-Unis, où la baisse du déficit devrait être la plus rapide depuis 30 ans.? Par ailleurs, quelques pays avancés où la demande privée est chroniquement décevante devraient envisager de lisser le rythme de l'assainissement s'ils disposent de la marge de manoeuvre budgétaire nécessaire.