Une reprise économique mondiale faible en perspective
Par Olivier Blanchard, Conseiller économique et Directeur, Département des études, FMIAffiché le 16 juillet 2012 par le blog du FMI - "iMFdirect"
La reprise économique mondiale se poursuit, mais elle est faible; en fait, elle a légèrement fléchi par rapport à nos prévisions d’avril dernier.
Dans la zone euro, la croissance est proche de zéro; positive mais faible dans les pays du noyau dur et négative dans la plupart de ceux de la périphérie.
Aux États-Unis, la croissance est positive, mais trop lente pour faire véritablement reculer le chômage.
Les grands pays émergents — de la Chine au Brésil, en passant par l’Inde — ont aussi vu leur rythme de croissance se ralentir.
Les risques baissiers, principalement issus d’Europe, se sont accrus.
Permettez-moi de développer ces thèmes l’un après l’autre.
Les prévisions de référence
En Europe, nous observons des divergences croissantes entre les pays du centre et ceux de la périphérie.
Les pays périphériques de la zone euro, dont l’Italie et l’Espagne, sont confrontés à des ajustements difficiles. Le redressement des finances publiques est nécessaire, mais plombe la croissance. Les réformes structurelles porteront leurs fruits, mais seulement à terme. Les banques ont affaire non seulement aux créances compromises accumulées, mais aussi à une recrudescence des prêts improductifs, conséquences de la dépression de l’activité économique. Parce que la dette publique est élevée, les États doivent payer cher leurs emprunts. Il faut donc s’attendre à une croissance négative cette année et la suivante tant en Italie qu’en Espagne.
Les pays du cœur de la zone euro — dont la France et l’Allemagne —, doivent faire face à des problèmes semblables, mais à une moindre échelle. Le rééquilibrage budgétaire qui s’impose est plus modéré et les banques sont en général en meilleure posture. Les prévisions laissent cependant entrevoir une croissance faible : 1 % en Allemagne et 0,3 % en France en 2012, et des taux un peu plus élevés dans les deux cas en 2013.
(Vidéo disponible en anglais seulement)
Aux États-Unis, la reprise se poursuit, cependant que les bonnes nouvelles du début de l’année ont été contrebalancées par de mauvaises nouvelles par la suite. Le rééquilibrage budgétaire pèse sur la conjoncture, de même que la baisse des exportations. La bonne nouvelle : le secteur du logement semble se stabiliser. La reprise n’est cependant pas suffisamment vigoureuse pour faire reculer sensiblement le chômage. Nous prévoyons des taux de croissance de 2,0 % en 2012 et 2,3 % en 2013, soit une révision en baisse de -0,1 % dans les deux cas.
La croissance des pays émergents a ralenti un peu plus que nous ne le prévoyions en avril dernier. Nous avons par exemple revu nos prévisions en baisse de 8,2 % à 8 % pour la Chine en 2012, de 6,9 % à 6,1 % pour l’Inde et de 3,0 % à 2,5 % pour le Brésil. Les causes de ce ralentissement diffèrent d’un pays à l’autre, mais baisse des exportations et des investissements comptent pour beaucoup. De manière générale, nous nous attendons à un atterrissage en douceur de ces pays, mais à des taux de croissance plus faibles que par le passé.
Au total, nos prévisions de croissance mondiale s’établissent à 3,5 % pour 2012 et 3,9 % pour 2013, donc en baisse de 0,1 % et 0,2 % respectivement.
Au vu des flots de mauvaises nouvelles que véhicule la presse, on peut s’étonner de cette faible révision. Elle a une double raison : nous n’étions guère optimistes à l’origine et, dans bien des pays, si le deuxième trimestre a été moins bon, le premier avait été meilleur que prévu. Cela explique donc en partie la révision minime pour 2012.
Les risques baissiers
L’intensification des risques baissiers est plus préoccupante que ces révisions de nos projections de référence.
Le risque majeur est clair : que les cercles vicieux s’aggravent en Espagne ou en Italie, que la production chute encore plus nettement et que l’un de ces pays ne puisse plus faire appel aux marchés financiers. Un tel enchaînement pourrait facilement faire dérailler la reprise mondiale. Nos prévisions de référence reposent sur l’hypothèse que des mesures seront prises pour ramener lentement les écarts des obligations espagnoles et italiennes de leurs pics actuels à des niveaux encore élevés, mais plus faibles en 2013. Il faut cependant pour cela adopter et mettre en œuvre les politiques adaptées.
L’action à mener
Pour pouvoir contenir la crise de la zone euro, et en définitive la résoudre, deux conditions sont nécessaires.
Premièrement, les pays sous pression doivent, là où cela s’impose, mener à bien le redressement des finances publiques, l’ajustement des salaires et des prix, les réformes structurelles et la recapitalisation des banques. Les gouvernements espagnol et italien ont pris des mesures importantes en ce sens. Mais pour réussir ils doivent pouvoir se financer à des taux raisonnables.
Deuxièmement, dès lors que ces gouvernements appliquent résolument leurs trains de réformes, il faut que les autres membres de la zone euro soient disposés à rendre ces ajustements possibles. Cela nécessite non seulement la mise en place d’une architecture adaptée au niveau de la zone, mais aussi une volonté de stabiliser à court terme les conditions de financement sur les marchés de la dette souveraine. Des avancées ont été réalisées ces dernières semaines, mais il y a encore du chemin à faire.
Aux États-Unis, le nœud du problème reste pour l’essentiel budgétaire. Il est manifestement primordial dans un premier temps d’éviter le précipice budgétaire. Mais l’absence de plan budgétaire à moyen terme est préoccupante et c’est une source de risques pour l’avenir assez proche.
Les pays émergents diffèrent à trop d’égards pour que l’on puisse proposer une démarche simple et uniforme. Peut-être le meilleur conseil à leur donner est-il le suivant : soyez prêts. Prêts à utiliser des mesures tant économiques que macroprudentielles pour faire face à une conjoncture extérieure complexe. Il y a tout lieu de penser que les flux de capitaux continueront à être très volatils. Il faut s’attendre à ce que les exportations à destination des pays avancés restent au ralenti.
La reprise mondiale peut se poursuivre et s’affermir. Il est essentiel que le redressement des finances publiques progresse au bon rythme, que les politiques monétaires restent expansionnistes, que le secteur financier soit remis sur pied pour que le coût des emprunts baisse et que la solidarité se manifeste, en particulier au sein de la zone euro.