Comment sortir de la zone de danger : mise à jour du FMI sur la stabilité financière dans le monde
Par José Viñals, Conseiller financier et Directeur, Département des marchés de capitaux internationaux, FMIAffiché le 24 janvier 2012 par le blog du FMI - "iMFdirect"
Depuis septembre dernier, les risques pesant sur la stabilité financière mondiale se sont intensifiés, notamment dans la zone euro.
Cependant, au cours des dernières semaines, les marchés ont été encouragés par les mesures prises pour fournir des liquidités à des banques et à des pays dans la zone euro. Cette amélioration récente ne doit pas être tenue pour acquise, car certains marchés de la dette souveraine restent sous tension, et les marchés de financement bancaire survivent grâce au soutien de la Banque centrale européenne (BCE).
Principales sources de risque
Il faut encore s'occuper de bon nombre des causes profondes de la crise dans la zone euro avant que le système se stabilise et soit remis sur pied. Entre-temps, la stabilité financière mondiale restera probablement en pleine « zone de danger », où un dérapage ou l'incapacité de faire face aux tensions sous-jacentes pourrait provoquer une crise mondiale qui aurait de graves conséquences économiques et financières.
En dépit de l'amélioration récente, les problèmes de financement souverain ont augmenté pour de nombreux pays — presque deux tiers des obligations dans la zone euro affichent un écart de plus de 150 points de base — et les perspectives de financement ne sont pas favorables. Les marchés restent très instables et les investisseurs étrangers à long terme ont fortement réduit leurs engagements sur plusieurs marchés de la dette dans la zone euro, y compris dans quelques pays du coeur de la zone. Il est essentiel de maintenir l'intérêt de ces investisseurs pour stabiliser les marchés.
Par ailleurs, l'inversion du levier financier par les banques européennes risque de déclencher une chaîne de réactions négatives dans les pays de la zone euro et au-delà, même si les tensions extrêmes ont été atténuées par les mesures extraordinaires que la BCE a prises récemment. Comme dans le cholestérol, il y a du bon et du mauvais dans l'inversion du levier financier. Les banques européennes ont développé un levier financier excessif et se sont lancées dans un certain nombre d'activités autres que leurs activités de base. Il faut donc encourager l'augmentation des fonds propres des banques, le délestage des prêts irrécouvrables et le retrait des activités autres que les activités de base. Mais l'inversion du levier financier risque aussi d'être trop rapide et trop concentré dans certains domaines, et pourrait resserrer le crédit au détriment de l'économie.
Tous ces risques pourraient se propager bien au-delà de la zone euro. Les pays émergents d'Europe seraient particulièrement touchés, du fait de la forte présence des banques de la zone euro dans ces pays. Les États-Unis ne sont pas non plus à l'abri de la contagion, étant donné leurs liens étroits avec la zone euro sur le plan financier et commercial. Un choc important dans la zone euro pourrait être amplifié par les faiblesses existantes, notamment dans le secteur immobilier américain, qui reste fragile.
Priorités
Les dirigeants doivent faire avancer et renforcer les plans visant à stabiliser la situation financière dans la zone euro et au-delà. Il est urgent d'agir :
Premièrement, dans la zone euro, le «pare-feu» doit être suffisamment ample et la solidité de ses fondations suffisamment convaincante pour éviter que les pays et les banques soient confrontés à des coûts de financement anormalement élevés. À cet effet, il sera important de renforcer le Mécanisme européen de stabilité dès que possible. Il sera essentiel aussi que la BCE fournisse les liquidités nécessaires pour stabiliser les marchés du financement bancaire et de la dette souveraine. Au niveau international, le FMI a pour objectif de lever jusqu'à 500 milliards de dollars en ressources de prêt supplémentaires pour créer un pare-feu mondial. Cela contribuerait non seulement à rétablir la confiance dans la zone euro, mais aussi à atténuer les effets de débordements éventuels.
Deuxièmement, un «garde-barrière macroprudentiel» s’impose pour veiller à ce que les plans d’inversion du levier financier puissent aller de pair avec des flux de crédit durables afin d’accompagner l’activité économique et d’éviter une spirale descendante des prix des actifs. Il convient de s'attaquer aux effets potentiellement nuisibles de l'inversion du levier financier au niveau national et international. Dans l'Union européenne, ce rôle devrait être coordonné entre les autorités bancaires européennes.
Troisièmement, une augmentation crédible des volants de fonds propres des banques reste nécessaire pour rétablir la confiance des marchés. Les banques doivent augmenter leurs niveaux de fonds propres, pas seulement leur ratio, conformément aux recommandations récentes de l'Autorité bancaire européenne. En ce qui concerne les banques solvables et, plus généralement, viables qui ne peuvent mobiliser suffisamment de capitaux privés, des fonds publics devraient être mis à leur disposition, sur la base d'une conditionnalité stricte. Pour compléter cet appui et limiter la charge supplémentaire qui pèse sur certains pays, un mécanisme existant au niveau de l’ensemble de la zone euro doit être doté de moyens lui permettant de prendre des participations directes dans les banques.
Quatrièmement, l'ajustement reste essentiel, mais il faut tenir compte de son effet à court terme sur la croissance. Il convient d'assurer la solvabilité des pays. Les gouvernements doivent mettre en oeuvre des stratégies crédibles de rééquilibrage à moyen terme dans un cadre solide au niveau de la zone euro. À plus long terme, il sera crucial de renforcer l'union budgétaire et financière afin de rétablir la confiance des marchés. Ailleurs, les États-Unis et le Japon doivent s'attaquer à leurs problèmes budgétaires, et les États-Unis doivent résoudre les problèmes du marché immobilier et du surendettement hypothécaire.
Cinquièmement, les gouvernements des pays émergents doivent se tenir prêts à riposter aux tensions liées au financement et au crédit, et à mener des politiques anticycliques s'ils disposent d'une marge de manoeuvre. Bon nombre de ces pays ont constitué d’amples réserves qu'ils peuvent utiliser pour parer aux chocs externes sur les liquidités.
Le système financier mondial demeure fragile. Il est urgent de rétablir la confiance dans la zone euro et au-delà. Sinon, la crise risque de s'aggraver, avec de vastes conséquences économiques et sociales à l'échelle mondiale.
Heureusement, il n'est pas trop tard pour mettre en place les mesures appropriées qui nous sortiront de la zone de danger. Mais, à cet effet, la stratégie politique doit aller dans le bon sens et il doit y avoir une détermination collective à parvenir aujourd'hui à une solution dans un cadre coopératif à la fois au niveau européen et au niveau mondial.