La politique budgétaire américaine : entre le marteau et l'enclume

Par Rodrigo Valdés, Conseiller principal du Département Hémisphère occidental du FMI
Affiché le 25 juin 2011 par le blog du FMI - iMFdirect

La politique budgétaire des États-Unis est confrontée à deux exigences pressantes : relever le plafond de la dette publique et amorcer la difficile réduction du déficit et de la dette.

Dans la situation actuelle, il faut opérer deux choix difficiles. D’abord, déterminer le montant et la nature des économies nécessaires, une décision d’importance cruciale. Ensuite, choisir le moment de leur mise en œuvre.

Une situation tout simplement insoutenable

Á la fin de l’année, la dette fédérale détenue par le public représentera 70 % du PIB américain, c’est-à-dire près du double des 36 % atteints en 2007. En outre, le déficit budgétaire fédéral s’élèvera à 9,3 % du PIB. Cela ne peut pas durer.

Si l’on ne fait rien, la dette continuera à augmenter plus vite que le PIB jusqu’à ce que les marchés financiers refusent de l’absorber. Les agences de notation de crédit ont lancé des avertissements et, dans le cadre du débat sur le plafond de la dette, le système politique s’efforce de décider où faire des économies.

La crainte du chômage

Toutefois, des restrictions budgétaires excessives à court terme pourraient affaiblir inopportunément une économie qui se redressait très progressivement et s’essouffle depuis peu. Au premier semestre, la production semble avoir progressé à un taux annuel moyen inférieur à 2 %. C’est à l’évidence insuffisant pour diminuer sensiblement un chômage actuellement très élevé.

La faiblesse persistante du marché du travail est une menace pour les perspectives à long terme de l’économie. Une personne inemployée pendant trop longtemps risque de perdre ses compétences et d’éprouver de plus en plus de difficultés à trouver un travail. Dans ces circonstances, un nouveau coup de frein à l’activité économique n’est certainement pas souhaitable.

Des choix difficiles

Le problème budgétaire était au cœur de l’évaluation annuelle 2011 par le FMI de l’économie américaine – ou Consultation au titre de l’article IV. Elle a mis l’accent sur la nécessité de trouver un équilibre entre le besoin d’ajustement à long terme et le soutien à court terme de la reprise.

On ne peut se permettre une perte de crédibilité budgétaire des États-Unis. La priorité absolue est donc de trouver un accord politique sur un plan d’ajustement complet qui fasse commencer l’assainissement pendant l’exercice 2012.

Le plan devra avoir l’envergure appropriée. Idéalement, le redressement s’étalerait sur plusieurs années pour éviter un excès de rigueur en 2012-2013. Il faut qu’il soit équilibré, c’est-à-dire qu’il comprenne à la fois des coupes dans les dépenses discrétionnaires, une hausse des recettes – par exemple en supprimant les failles de la fiscalité – et des réformes des droits à prestation. Ces dernières devront chercher à maîtriser l’augmentation des prestations – sécurité sociale et soins de santé; les changements pourraient intervenir ultérieurement, mais ils doivent dès maintenant faire l’objet d’un accord et être votés. Diminuer les dépenses discrétionnaires non militaires ne suffit pas car elles ne sont pas assez importantes pour réaliser ainsi la réduction nécessaire du déficit.  

Une mise à la diète sans brutalité, mais qui doit commencer tout de suite

On peut faire une comparaison un peu sommaire avec les régimes alimentaires et la perte de poids. La personne en surpoids qui a un besoin urgent d’en perdre doit commencer immédiatement un régime. Annoncer seulement qu’elle va bientôt le faire n’est pas crédible. De même, il est dangereux de diminuer brutalement l’absorption de calories au risque de connaître le fameux «effet yo-yo» ou, pire encore, de compromettre sa santé à long terme. Une méthode graduelle et durable est préférable. Pour trouver le bon équilibre, on doit utiliser plusieurs leviers : la personne au régime doit manger moins, mais aussi faire de l’exercice.  

Placer la dette publique sur une trajectoire viable – par exemple en stabilisant le ratio dette/PIB au milieu de la décennie et en le faisant ensuite baisser progressivement – exige un ajustement dont l’importance et la portée dépendent de deux variables essentielles : le rythme de la croissance économique et l’évolution des taux d’intérêt dans les prochaines années.

La croissance a de multiples avantages. D’une part, les recettes publiques progressent plus rapidement ; d’autre part, la dette représente une moindre part de la production, ce qui réduit les économies nécessaires. En revanche, une hausse des taux d’intérêt augmente le besoin d’ajustement en absorbant une plus grande part des ressources disponibles. Elle tend aussi à faire monter les taux, et donc à alourdir les charges d’intérêts. 

Que faut-il en conclure? Si l’on se base sur les projections officielles, des mesures permettant d’abaisser le déficit budgétaire de quelque 5 points de PIB dans les toutes prochaines années suffiraient. Ce montant est à peu près équivalent aux économies de 4 000 milliards de dollars publiquement évoquées par les responsables pendant les négociations à propos du plafond de la dette. Selon nos prévisions, qui sont plus prudentes, les États-Unis doivent trouver des économies d’approximativement 6 000 milliards de dollars. Les 4 000 milliards constitueraient un très bon début.

Si l’on veut se sortir du délicat dilemme actuel, il faut commencer immédiatement à agir.



Rodrigo Valdés est Conseiller principal du Département Hémisphère occidental du FMI. Il est actuellement chef de mission pour les États-Unis et supervise le travail de plusieurs équipes-pays. Avant de rejoindre le FMI, il a été Chef économiste pour l’Amérique latine chez Barclays Capital Inc., Directeur des Études et Chef économiste de la Banque centrale du Chili et Conseiller du Ministère des Finances du Chili.


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