Bulletin du FMI : Les pays doivent «attacher leur ceinture» sur le chemin cahoteux de la stabilité financière
le 9 octobre 2013
- La normalisation de la politique monétaire américaine : le principal défi
- Les marchés émergents doivent se préparer à d’éventuels chocs exogènes
- Une démarche globale s’impose face au surendettement des entreprises de la zone euro
La dernière édition du Rapport sur la stabilité financière dans le monde invite les gouvernements à opérer avec prudence les importantes transitions à l’œuvre dans le système financier mondial. Si les politiques et réformes voulues ne sont pas exécutées, cela pourrait remettre en question la transition ordonnée vers une plus grande stabilité financière.
RAPPORT SUR LA STABILITÉ FINANCIÈRE DANS LE MONDE
Dans son analyse le FMI signale cinq transitions qui auront des répercussions mondiales :
• Le retrait escompté de la politique monétaire accommodante des États-Unis;
• L’évolution vers un secteur financier plus équilibré et durable dans les pays émergents;
• Le travail visant à renforcer les banques et les entreprises fragiles dans la zone euro;
• Les initiatives visant à insuffler une nouvelle vigueur à l’économie japonaise dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler l’«Abenomics»;
• Le renforcement de la règlementation financière mondiale.
Le chemin vers une politique monétaire normale
Le principal défi que vont devoir relever les gouvernements tient aux effets secondaires — et au retrait ultime — des politiques monétaires accommodantes, telles que celles qui reposent sur des taux d’intérêt faibles et sur le rachat d’obligations par la banque centrale américaine.
Vu les perspectives d’une montée des taux d’intérêt et de la volatilité, les investisseurs vont logiquement ajuster leurs portefeuilles en réduisant les avoirs à revenu fixe. Le risque existe cependant qu’un délestage trop important et trop rapide ne pousse davantage à la hausse les taux d’intérêt à long terme par rapport à ce qui est actuellement prévu.
«Le chemin vers la normalisation monétaire pourrait être cahoteux», a signalé Jose Viñals, Conseiller financier et Directeur du Département des marchés monétaires et de capitaux. «La question est de savoir si cela n’entraînera que de simples secousses ou risquera de provoquer des accidents».
La seule ampleur de l’ajustement des portefeuilles qui sera vraisemblablement nécessaire représentera l’une des difficultés. Selon les estimations du FMI, depuis 2009 les investissements cumulés des fonds communs de placement américains dans les titres à revenu fixe ont dépassé leur tendance historique de plus de 1.000 milliards de dollars. Cela augmente le risque de retraits massifs en cas de durcissement de la politique monétaire.
L’existence de «liens faibles» au sein du système bancaire parallèle aux États-Unis (par exemple celui des sociétés d’investissement en crédits immobiliers) représente un autre défi. Comme les véhicules d’investissement structurés et autres supports qui se sont multipliés avant la crise, les sociétés d’investissement en crédits immobiliers présentent un degré élevé de levier financier et sont susceptibles de provoquer des retraits massifs de financements. Elles pourraient se voir contraintes de céder rapidement leurs actifs au risque de perturber le marché des titres adossés sur les crédits hypothécaires, ce qui pourrait à son tour avoir des retombées sur les marchés d’actifs de manière plus générale.
Pour opérer une transition ordonnée vers une politique monétaire normale il faudra que la banque centrale américaine définisse une stratégie de communication claire et dotée d’échéances appropriées afin de réduire dans toute la mesure du possible la volatilité des taux d’intérêt. Il faudra aussi une stratégie efficace d’exécution, selon le FMI. Il sera essentiel d’accroître la surveillance de l’ensemble des risques liés au système bancaire parallèle et assurer une plus grande transparence pour préserver la stabilité financière.
Les risques liés aux marchés émergents
De nombreux pays émergents présentent une sensibilité grandissante aux variations des politiques monétaires accommodantes des économies avancées. Cela s’explique par le fait que les investisseurs étrangers se sont rués sur les marchés locaux et qu’ils pourraient se retirer. Selon les estimations du FMI, depuis 2008, les investissements étrangers sur les marchés obligataires locaux, en termes cumulés, ont dépassé la tendance structurelle à long terme d’environ 470 milliards de dollars. Cela représente plus de 5 % du PIB des économies avancées.
Les investisseurs étrangers jouent certes un rôle plus important sur les marchés locaux de la dette, mais la liquidité des marchés s’est détériorée durant ces dernières années. Cela rend les taux d’intérêt locaux plus sensibles aux variations de l’humeur des investisseurs. Par ailleurs, les bilans des entreprises se sont affaiblis, les vulnérabilités financières s’accentuent et la croissance économique s’essouffle.
Les pays émergents doivent faciliter un ajustement ordonné de leurs marchés financiers. S’ils subissent de fortes sorties de capitaux, ils devront vraisemblablement utiliser de façon avisée leur marge de manœuvre. En outre, les gouvernements doivent s’attaquer aux facteurs de vulnérabilité intérieurs en renforçant les dispositifs macrofinanciers et les marges de manœuvre.
Trancher le nœud Gordien dans la zone euro
Dans la zone euro, les politiques engagées à l’échelle régionale et nationale ont contribué à réduire les tensions de financement pesant sur les États et les banques. Cependant, la persistance de la fragmentation financière a abouti à une augmentation des taux du crédit dans les pays en difficultés de la zone.
Le Rapport sur la stabilité financière dans le monde montre également qu’une part notable de la dette des entreprises dans les pays en difficultés est le fait d’établissements qui ont de faibles capacités au regard du service de leur dette. Ce surendettement peut avoir des retombées sur le système bancaire par le truchement des pertes sur prêts.
«Certaines banques devront accroître les provisions pour pertes sur prêts», a signalé Jose Viñals. «Cela pourrait absorber une grande part des bénéfices futurs voire, dans certains cas, entamer les fonds propres».
Le FMI estime que, même si la fragmentation financière était corrigée à moyen terme, il subsisterait un surendettement, qui représenterait près d’un cinquième de la dette des entreprises espagnoles, italiennes et portugaises confondues.
Que peuvent faire les gouvernants pour aider les banques et entreprises fragiles à se redresser? Tout d’abord ils doivent s’attaquer au problème du surendettement. Cela pourrait passer par des radiations de dette, une amélioration des dispositifs applicables aux établissements en difficultés ou la mise en place de sociétés de défaisance pour restructurer les crédits.
Deuxièmement l’évaluation des bilans et les tests de résistance prévus par les autorités européennes offrent une occasion exceptionnelle pour mener une revue exhaustive et transparente de la qualité des actifs bancaires et recenser les déficits de fonds propres. Mais des dispositifs crédibles de secours doivent être mis en place avant de parachever ce travail d’évaluation de manière à pouvoir combler les déficits éventuels.
Le Japon doit mettre en œuvre le vaste train de mesures de l’«Abenomics». Si les réformes budgétaires et structurelles prévues n’étaient pas appliquées cela risquerait de faire resurgir la déflation et d’intensifier les risques pour la stabilité financière.